Qui est pris qui croyait prendre

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J'ai recontacté Anaïs, une fois. On s'est revu, sans que cette entrevue ne fasse d'étincelle. Satisfaisant sans plus, comme la fois précédente. Raison pour laquelle nous en sommes restés là. Puis j'ai écumé mon carnet de contacts en faisant appel à d'anciennes soumises. Je suis passé de l'une à l'autre, comme on zappe sur la télévision, sans s'investir pour connaître la suite de l'histoire. Ludo m'a bien proposé de participer à quelques unes de ses séances mais même ça ne me tente plus.

Ça me tue de l'admettre mais ma relation avec Élise, que je pensais avoir gardé sous contrôle, a laissé plus de traces que prévu. J'ai perdu l'envie d'avoir une soumise à temps plein. Je préfère dorénavant fréquenter des femmes de passages qui comblent tout juste mon manque. Ce sont des exutoires, des pis-allers mais je m'en contente. Pour l'instant.

Ça fait trois semaines que je ne l'ai pas revue Elle. Je sais de source sûre qu'elle n'a pas contactée Ludo, au grand dam de ce dernier, et j'en tire une certaine satisfaction. Si je ne peux pas l'avoir moi, je ne veux pas qu'il l'ait non plus. Même si je ne suis pas naïf au point de croire qu'elle ne se soit pas adonnée aux plaisirs que procure le sexe depuis nos adieux. Je préfère ne pas connaître l'homme, dominant ou non, qui jouit de son corps, c'est plus facile comme ça.

Je n'ai pas pour autant supprimé sa fiche de mon répertoire. Nostalgie ? Entêtement ? Je ne sais pas. Conserver l'entrée "Élise" dans mes contacts m'apporte un certain réconfort. Je n'ai pas envie d'analyser pourquoi, je la garde juste là, au chaud. Qui sait ce que l'avenir nous réserve ? 

***

Le lendemain matin

Assis à mon bureau, en train de siroter mon expresso, fumant comme j'en ai l'habitude, je feuillette les Echos, passant en revue les actualités quand mon téléphone vibre m'indiquant que je viens de recevoir un message. Je l'ouvre machinalement, sans prêter attention à l'expéditeur et met quelques secondes à intégrer ce qui se trouve sous mes yeux, trop sous le choc pour que mon cerveau fonctionne normalement. C'est un MMS contenant une photo sur laquelle je reconnais instantanément le modèle. Même sans apercevoir son visage, j'identifie sans peine sa chevelure sombre et bouclée. Et je reconnaitrais entre milles les courbes de son corps voluptueux que, malgré mes efforts, je n'arrive pas à sortir de ma mémoire. 

Mon corps, ce traître, se met immédiatement au garde-à-vous à cette vision, chose particulièrement gênante ici, même si je suis seul dans mon bureau. Mais comment rester de marbre face à ce cliché qui concrétise les fantasmes qui me hantent depuis des semaines ? Non sans avoir vérifié que personne n'était susceptible d'apercevoir mon écran, je redirige toute mon attention dessus pour passer en revue le moindre pixel visible. 

Elle est prosternée sur un lit, qui n'est pas le sien d'après ce que je peux voir... Je me souviens parfaitement de ce à quoi il ressemblait. Ses poignets et chevilles menottés, elle offre au regard sa magnifique chute de reins, rougie par une fessée récente, dans une position plus qu'appétissante. C'est une variante de la position Humble où les genoux de la soumise touchent ses seins de manière à permettre à ses bras de faire le tour de ses cuisses de l'autre côté desquelles ses mains sont attachées. Je n'ai pas besoin de passer en revue les photos que j'ai sur mon téléphone pour savoir sur celle-ci ne fait pas partie de celles que j'ai prises moi-même. Je ne lui ai jamais fait adopter cette pose. Puis je réalise qu'ainsi entravée, les mains derrière ses cuisses, elle n'a pas pu utiliser un retardateur et prendre le cliché seule comme elle en avait l'habitude. Elle n'aurait pas eu le temps, la pose est trop complexe. Et puis, elle ne s'est probablement pas infligée elle-même les coups qui ont rougi la peau de ses fesses. Il a fallu que quelqu'un se trouve derrière elle. Mais qui ?

L'ambiance lumineuse est tamisée et ne semble pas avoir été prise à l'instant, mais plutôt le soir. Hier ? Avant-hier ? Pourquoi m'envoie-t-elle cette photo, sans aucun message d'explication ? Pourquoi maintenant ? Un nouveau message arrive et met fin au suspens.

J'ai fini par contacter Ludo. On s'est vu hier. Je préférais te le dire moi-même. Élise

A la lecture de cette ligne, je jette mon téléphone sur le bureau, comme s'il m'avait mordu, un goût de bile dans la bouche. Le coeur au bord des lèvres, je réalise avec horreur que je me suis voilé la face tout ce temps. Je suis jaloux. Et comme jalousie rime avec colère, je répond sous le coup de l'émotion, sans réfléchir.

Depuis quand Ludo veut des enfants ? C'est nouveau...

C'est petit, c'est mesquin mais je n'ai pas pu me retenir. Je regrette déjà ces quelques mots à l'instant même où je les envoie. Sa remarque, cinglante, ne se fait pas attendre.

Il n'en veut pas. On ne fait que s'amuser. Je ne vais pas m'abstenir en attendant de trouver le futur père de mes enfants.

Evidemment que non... Mais quitte à s'amuser, pourquoi pas avec moi ? Au fond, je connais la réponse. Ce que je ne comprend pas en revanche, c'est la raison qui l'a motivée à me contacter.

Pourquoi tu m'envoies cette photo ? 

Nos réponses sont quasi instantanées. Je reçois la sienne quelques secondes à peine après l'envoi de mon dernier message. C'est grisant, addictif.

Pour te rappeler ce que tu as perdu. Il n'y a que les idiots qui ne changent pas d'avis.

Je souris en pensant qu'elle ne manque pas de toupet. Mais n'est-ce pas cet aspect de sa personnalité qui m'a séduit depuis le début ? Le fait de m'envoyer cette photo n'est pas sans me rappeler ce que j'avais mis en oeuvre pour la faire retomber dans mes filets il y a quelques mois. Le parallèle est amusant. Me voilà pris à mon propre jeu. 

La question est : vais-je me laisser tenter ?

BriceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant