Chapitre 5 (3/4) - Adrian

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[Suite partie 3/4]

Adrian embrassa une rigueur naturelle qu'Andrea lui reprochait souvent de ne pas avoir. 

En une dizaine de pas rapprochés, il évolua froidement le long du fourgon et s'arrêta au croisement des portières avant et arrière. Sous son aisselle, il cala soigneusement la crosse de son fusil d'assaut et perçut, en réaction, le cliquetis métallique de l'arme de Weisz quand celui-ci la dressa en position de dissuasion. Sans s'en interroger, Adrian fouilla le véhicule du regard. Leurs entrainements lui avaient suffisamment prouvé la capacité de son équipe à assurer ses arrières. 

Sous le surveillance de son collègue, il progressa dans son examen visuel, ignorant la vitre arrière aussi teintée que la nuit. Quant à son homologue avant... Autour d'eux, le silence accusa l'expiration de sa surprise alors que ses yeux s'arrondissaient déjà sur l'avant du véhicule. Derrière le verre transparent, un regard familier les maudissaient, lui et ses hommes. 

Il recula d'un pas. Un regard, pas n'importe lequel.

- Du calme, tocard, somma la voix grave de Weisz.

Adrian sentit son visage se décomposer sous le tissu de sa cagoule, tendue désormais par l'ahurissement de sa mâchoire inférieure. Il cligna des paupières, frappé par le trouble, et tressaillit. Le tocard avait un autre prénom que lui-même n'avait plus osé prononcer depuis plus d'un an déjà.

Eduardo. 

Un sentiment de trahison aigu, supposé avoir été lissé par le temps, fusa dans sa poitrine. La torpeur s'effaça au profit du ressentiment. Bien trop vite à son goût, il réprima la pulsion furieuse d'envoyer son poing dans la vitre. A son verso, se devinait à présent le visage hideux d'Eduardo Mariani. Des traits coupés au couteau, berceau de nombreux souvenirs désagréables. 

Il manqua de jurer. Le bras droit de Tommaso Dianda, ici. En chair et en os. Tout en provocation et en brutalité. Putain de bordel. Adrian secoua la tête mais se ressaisit rapidement, conscient de son regard braqué sur lui. A quoi s'était il attendu en prenant part à cette opération ? Il savait que Tommaso ne se déplaçait jamais seul. Il avait même prévu cette éventualité. 

Mais y faire face aujourd'hui, c'était ... Bordel. 

Eduardo les reluquait rageusement, une main fermement agrippée au volant et l'agressivité suintant de son visage. Son expression constante, dépourvue d'interdiction ou de stupéfaction, indiquait pourtant qu'il ne l'avait pas reconnu. Une chance qu'Andrea l'ait forcé à porter cette fichue cagoule. 

Contrairement à lui, rien ne camouflait Mariani. Le fumier ne s'était pas arrangé avec sa petite trentaine évidente. Les années ne l'avaient pas rendu moins cliché. Sa fureur était encadrée de la tignasse d'un surfeur négligé aux pointes blondies par un bain de soleil quotidien. Ses traits crispés sur une peau bronzée et asséchée par le sel. Son nez plié sur son arc franc, reconnaissable entre milles pour sa fracture, cadeau d'Adrian un an plus tôt. Son avant bras droit exposé, grossièrement marquée de la boussole du voyageur. Sans oublier, ses éternels choix vestimentaires amples : une chemise en lin noire et un short beige lui arrivant à mi-cuisse. 

Adrian ne se méprit pas sur les intentions d'Eduardo, et plus particulièrement de sa main maintenue renfoncée contre sa cuisse droite. Il baissa les yeux dans la direction de cette menace aveugle. Si cet homme était un fantôme de son passé, il n'aurait pas parié une seconde sur son audace à dégainer le semi-automatique dissimulé à leur yeux. Pas quand un fusil d'assaut était perché à vingt centimètres de son visage. Le fumier était plus malin que ça.

τρία - Nouvelle versionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant