[Début partie 3/3]
La neurologue disparaissait déjà derrière le mur de la pièce attenante.
Dans quel merdier s'était-elle trainée ? Chez quels fous avaient-elles atterrit ? Roos pouvait-elle la terroriser davantage ?
Charlie décolla les cuisses de la commode et entreprit de la longer, laissant courir son index sur sa surface. Son regard accrocha une radio, installée près du pot de fleurs séchées, passée inaperçue jusqu'ici. Quand elle la dépassa, ses tympans vibrèrent sur le grésillement de son annonce :
"...erci. Concernant le sujet far de ce mois d'août : Emmanuel fera son point informatif sur l'opération Capelle demain matin en fin de matinée. Nous vous encourageons à y participer. Nous reviendrons vers vous pour plus de précisions concernant l'heure et le lieu... ".
L'opération Capelle. Elle, Charlie Capelle, discutée par une chaine radio locale.
Son crâne s'échauffa. Un frisson fourmilla sur sa nuque.
Ou suis-je tombée ?
Les muscles de sa nuque tendus, elle détourna le regard et pressa le pas en direction du bureau. Une dizaine de foulées lui suffirent pour rattraper l'avance que Roos avait sur elle.
Victime d'une tentative d'assassinat. Divinité incarnée. Vedette numéro une des médias d'un institut de cinglés. Qu'était-elle devenue en si peu de temps ?
Dans son estomac, fusèrent une centaine de comète acides. Elle posa une main sur son ventre comme si cela aurait pu en arranger la douleur et osa une inspiration. Ses pieds se stoppèrent, au même instant, sur la démarcation entre deux parquets, frontière entre le bureau et la salle d'examen. Ici précisément, l'odeur de détergent de la salle d'examen cédait sa place à un parfum chypré. Des notes boisées.
Elle releva son regard des lattes de parquets et l'autorisa à vagabonder sur les ombres du bureau lugubre.
Lugubre c'était le mot. La pièce était sombre. Austère. Du rouge sur du noir. Une référence à Stendall peut-être. L'une de ses mèches bouclées s'invita dans son examen. Elle la replaça derrière son oreille et étudia. Des objets antiques. Des ornements orientaux. Des fioles suspectes. Parmi tout ça, Roos.
Sa gorge se serra. Roos, la complotiste.
Elle était convaincue du ridicule de son analyse. Son passé était marqué par des épisodes peu communs certes mais aucun d'eux n'était surnaturel. Charlie Capelle n'était pas une divinité incarnée. Roos excellait simplement dans son job de complotiste à la con.
Qui es-tu Roos ? Que me veux tu vraiment ? Pourquoi ton bureau ressemble-t-il à un bazar marocain ?
Entre ses cils, son regard quitta les contours d'une amphore peinturée de silhouettes dorées sur fond noir pour s'établir sur ceux de la neurologue.
Cette femme qu'elle avait, aux premiers abords, crue élégante et intelligente.
Roos avait retiré sa blouse et l'avait déposé sur le dossier de son fauteuil. Ses épaules nus étaient droits et émergeaient des cascades de ses tresses noires. Le soleil ondulait sur sa peau ébène. Ses paupières étaient basses sur son regard. Ses lèvres charnues, entrouvertes sur une respiration peut-être. Elle se tenait debout, face à la grande baie vitrée qui l'encadrait elle et son large bureau en bois massif. Un siège vide y attendait Charlie.
Roos pivota vers elle, la jaugea de son regard onyx et l'invita à s'y assoir.
Roos la complotiste.
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τρία - Nouvelle version
Roman d'amourComment réagiriez-vous si vous appreniez, à l'aube de vos vingt-cinq ans, que vous ne faites pas partie du genre humain ? Que jusqu'ici votre vie n'a été qu'un mensonge éhonté dissimulant la vérité sur votre véritable identité ? Qu'une vaste série d...