Chapitre 8 (3/3) - Charlie

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[Début partie 3/3]

Cinq minutes plus tard, Charlie perçait de son regard noir un trou fumant à l'arrière du crâne d'Andrea. La suivre à travers ce couloir interminable était d'une difficulté sans nom, bien que l'endroit fut si impressionnant qu'elle manqua de respirer.

S'il ne s'agissait là que du simple couloir d'une bâtisse encore plus grande alors il était difficile d'imaginer à quoi devait ressembler le reste... Si son cachot était la chambre moderne qu'elle venait de quitter d'un pas contrit, sa prison était le temple de clarté à l'ampleur démesurée qu'elle souillait dorénavant de sa fadeur. 

L'endroit était digne d'un palais.

Son regard emprunta les motifs du plafond incurvé, surélevé à une hauteur vertigineuse d'au moins cinq mètres depuis le sol. Il hésita sur ses moulures incrustées, glissa le long de ses corniches immaculées droites puis courbées puis sur ses murs opalins habillés de rosaces en staff. Puis il les dévala jusqu'aux polygones réguliers, alternés en noir et en blanc, du carrelage ou claquaient la paire de talons hauts qui la menait vivement à sa fin. Se reflétait sur la céramique, la lumière d'une fin d'après-midi qui caressa avec douceur la grimace sur son visage. Son rayon s'infiltrait à travers trois gigantesques baies vitrées qui occupaient plus de la moitié du mur opposé à la chambre, seulement entrecoupées de piliers de pierres blanches polies. Des arches parfaites surplombaient chacune d'entre elle, de la même façon que pour la parenthèse des deux accès menant à ce couloir. 

De l'art, en somme.

Charlie tourna la tête pour apercevoir derrière elle, à l'extrémité opposée du couloir, une porte béante d'où provenait le vent chaud et humide qui jouait entre ses jambes nues : une entrée si haute et pleinement ouverte sur un espace extérieur qu'elle peinait à imaginer. D'ici, elle ne lui entrevoyait que la portion d'une balustrade de pierres blanches aux colonnes baignées par le soleil, elles-mêmes caressées par les branches de l'olivier qui la surplombait. 

Si elle en avait eu la force, elle aurait couru dans sa direction pour fuir et ne jamais être retrouvée. Dans ses rêve. Ses genoux étaient si peu coopératifs et son destin si nébuleux ... Allait-elle même revoir la lumière du jour ?

Ses jambes flageolèrent. De froid ou de fatigue, elle n'aurait su dire. Feu son pyjama n'avait rien à envier à son short blanc et à son haut rétréci, enfilés à la hâte sous le regard pressant de la grande brune.

- Ou sommes-nous ? demanda Charlie, le regard arrêté sur les reliefs d'un escalier renversant situé au delà du couloir.

Il était à l'image du peu qu'elle avait aperçu jusqu'ici : spectaculaire. 

L'ouvrage était dominé d'un plafond en dôme, largement étendu sur un jeu de moulures et percé en son centre par un puit de lumière ovale. La lueur du jour qui s'en écoulait, baptisait de ses rayons chacune des marches gigantesques, lustrées et claires, créées, à l'évidence, pour être foulées par le pied d'un roi. 

Charlie hésita quelques secondes avant de profaner la première marche de la semelle de sa basket. Ses poumons se figèrent alors que ses doigts se posaient un à un sur la rampe déliée de l'escalier qui accueillit sa paume de son métal froid forgé de motifs floraux noirs et fins.  Elle en avait presque oublié sa question quand Andrea lui répondit sans se retourner vers elle.

- Dans l'aile droite, à mi-chemin entre la cafétéria et l'aile administrative. Estime toi chanceuse, ta chambre est sacrément bien placée, tu n'as que deux pas à faire pour avoir les meilleurs portions au petit-déj.

Charlie s'arrêta, la main à peine posée sur la rambarde dorée. L'aile droite ? Une cafétéria et une aile administrative ? A quelle prison avait-elle affaire ? L'incrédulité fit grésiller ce qu'il restait de ses nerfs. 

τρία - Nouvelle versionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant