Chapitre 11 (3/3) - Adrian

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[début partie 3/3]

Depuis qu'il s'était extirpé des vestiaires dix minutes plus tôt, des gouttes d'eau pesaient de ses boucles brunes. Elles se détachaient de sa chevelure, dégoulinaient dans le col de sa chemise, troquée contre son tee-shirt de sport usé. La sensation de leurs sillons frais le long de son dos le fit grimacer. Pourtant, il l'occulta, le regard rivé devant lui.

Son agenda commençait à se remplir. Nathan Faure était de retour. Emmanuel s'apprêtait à les rencarder sur Charlie Capelle. Andrea lui avait un envoyé un sms pour le voir en fin de journée.

Ses foulées s'élargirent sur la venelle menant à l'aile administrative de l'institut. Une rangée de chênes délimitait l'orée du petit bois à sa gauche. A sa droite, une vaste prairie enherbée s'étalait à perte de vue. Une faune riche y évoluait. Des chevaux. Des lapins. Des oiseaux qui avaient le mérite de ne pas piaffer autant que Nathan et Ziad. Derrière lui, les deux énergumènes s'échangeaient les derniers on-dit de l'institut, Alice sur leurs talons.

Adrian détourna le regard de son minois renfrogné, cerné de mèches blondes en pagaille.

Dès lors qu'ils avaient quitté l'enceinte du dojo, son amie s'était murée dans le silence. Il se doutait du pourquoi mais avait estimé que cela ne le concernait pas. Il jeta un coup d'œil à sa montre. 10h28. Emmanuel s'apprêtait à commencer. Ils seraient en retard sans aucun doute.

Ses paupières se soulevèrent, ouvrant l'horizon de son regard au-dessus de la cime des arbres du petit bois. Devant eux, l'aile administrative, haute en brique rouge, émergeait d'entres leurs feuillages fournis.

- Charlie Capelle tu dis ? entendit-il Nathan s'étonner d'un timbre méditatif.

Ziad lui répondit : 

- Oui, Charlie, c'est ça.

Adrian sentit ses épaules se contracter. C'était Ziad qui avait lancé le sujet quelques minutes auparavant. Ce fumier était fier de son opération de rapatriement. Lui, non. Il s'était donc éloigné de leur conversation houleuse, réticent à l'idée de ressasser le sujet. Mais la distance ne couvrant pas l'acoustique, les détails avaient traversé les mètres qui les séparaient et l'avait hérissé. La curiosité de Nathan semblait s'être emballée sur le dernier sujet : l'arrivée de l'Emergeante au sein de leur communauté.

Charlie était tout un sujet, effectivement.

De la pointe de sa chaussure, Nathan frappa un caillou sur leur chemin. Les mains dans les poches, Adrian suivit du regard sa trajectoire en un arc de cercle aérien. Il atterrit à cinq mètres du petit bois en un bruit sourd, absorbé par la terre sèche. Ziad poursuivit :

- La nouvelle obsession d'Enrico dont on a parlé avant ton départ, tu t'souviens ?

Nathan secoua la tête affirmativement.

- Riri était sur les traces d'un Emergeant en région parisienne. Il était même parvenu à retrouver son mode de vie en Corse. Même schéma, même routine, même habitude. Et ça, seulement à quelques heures de l'institut.

- En Corse ? Ou exactement ? l'interrogea Nathan.

- A Corte.

La mâchoire inférieure du colosse s'ouvrit, béate. Celle d'Adrian se contracta à l'allusion de son deuxième père adoptif. Riri pour les intimes. Enrico Taviani pour le reste.

- C'est là-bas, à Corte, qu'il nous a envoyé en premier lieu pour mettre en œuvre l'opération Capelle, indiqua Ziad en faisant craquer sa nuque.

La venelle protesta sous son poids après une énième foulée. Ses quatre vingt kilos valaient bien le craquement voilé du bois qu'il ignora en continuant sa route.

τρία - Nouvelle versionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant