Chapitre 8 (1/3) - Charlie

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Sous ses doigts, la caresse d'un millier de grains transperça la bulle de son sommeil confortable. Elle cligna des yeux en soupirant doucement et étira ses bras avec délice, les poings serrés au-dessus de sa tête. Le long de ses fesses, contre ses épaules, sous sa taille, elle sentit la surface du sable sur lequel elle était paresseusement allongée et s'y pelotonna. 

Que c'est agréable... 

Ses paupières papillonnèrent encore. Une fois. Deux fois. Cinq fois. Jusqu'à ce que sa vision s'éclaircisse sur une étendue obsidienne, fendue d'éparses entailles argentées. L'étreinte de la voie lactée sur l'arc cosmique. La poudre des étoiles. Le ciel nocturne. 

Charlie s'émerveilla de ce spectacle époustouflant, ses pupilles brillant en une imitation pâle de la tenue revêtue par Nyx. Elle suivit de ses yeux le demi-cercle constellé jusqu'à sentir la flatterie d'une douce chaleur sur sa joue. Laissant rouler son crâne sur le sable, elle inclina légèrement la tête sur le côté et retint une respiration en réaction à ce que son regard accrocha. 

C'était à couper le souffle. 

Devant elle, taquinant ses iris, perçaient les étoiles des cieux bleu saphir. Avec elles, les étincelles d'un feu gigantesque d'au moins quatre mètres de haut. Comme des cicatrices rougeoyantes dans le ciel, elles pleuvaient jusqu'aux flammes dévorantes situées à seulement quelques enjambées d'elle. Un feu ardent, réconfortant, passionnant. 

Sa mâchoire s'ouvrit, relâchant dans sa détente ses muscles auditifs, au sein desquels se heurta soudainement la sérénade de tambours lents, lointains puis approchants. 

Elle ferma les yeux au gré de leur cadence langoureuse et joua avec les mèches de ses cheveux détachés et éparpillés au dessus de sa tête à la manière d'une crinière satinée. Masquées dans le tempo doucereux des instruments, elle percevait des expirations longues et plus courtes. Parfois, suggérées et parfois soupirées. Un temps à bout de leur souffle et l'autre, en possession d'une pleine goulée d'air ...

- Charlie, s'écria une voix masculine affolée. 

Elle bondit puis se figea sur elle-même. Ses yeux s'écarquillèrent. Son cœur frappa contre ses côtes. Une pellicule de sueur condensa sur son front. La chaleur du feu plia et céda face à un froid polaire, déchirant son cœur même. Cette voix, elle la connaissait. Cet accent si particulier sur la dernière syllabe de son prénom ... 

- Cache toi, Charlie ! Cache toi ! 

Une main se plaqua sur sa bouche avant qu'elle n'ait le temps d'hurler son épouvante au ciel pailleté. Sur ses lèvres, des doigts caleux et épais. Des doigts qui avaient manipulé et travaillé. Les doigts d'un menuisier. Alexis.

Le matelas de sable chaud se transforma en un sol dur, nappé d'une pellicule de poussières qui envahit ses narines et ses poumons. Elle haleta et releva le menton vers une alternance de lattes en bois qui la surplombait désormais. Elle leva des mains tremblantes vers cet horizon inattendu. Le ciel étoilé avait disparu. Cet espace inquiétant, restreint et sombre le remplaçait. Seule une barre de lumière à son côté, et les pans d'une couette suspendue, la renseignèrent sur sa nouvelle localisation. Elle étouffa un gémissement, dorénavant prisonnière des dessous d'un lit colossal. 

Elle retint un cri et se recroquevilla au plus loin quand une tête fit son apparition dans l'ouverture entre le lit et le sol. 

- Charlie, susurra un timbre sensuel.

La lumière souligna chacun des gestes de Tommaso alors qu'il envoyait sa main pour l'attraper. 

Charlie se redressa en sursaut sur le lit, les cheveux dégoulinants, la respiration tranchée.

τρία - Nouvelle versionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant