Chapitre 11 (1/3) - Adrian

34 2 70
                                    

"Votre attention s'il vous plait.".

Adrian leva la tête. Son poing se figea à mi-parcours du sac de frappe, interrompu par l'annonce des haut-parleurs vissés à plusieurs mètres au-dessus de lui. 

Il recula d'un pas sur le tatami, debout au centre du dojo de l'institut. 

Une annonce à cette heure-ci, c'était ...inattendu.

Il relâcha sa garde pour laisser ses bras pendre le long de son corps et jeta un coup d'œil à son voisin. A dix mètres de lui, Ziad retirait déjà un écouteur de son oreille. 

Adrian prit une longue inspiration pour calmer le tambourinement de son cœur sous son torse. Sous son short en satin bleu, les muscles de ses cuisses étaient tendus. Ses tibias pulsaient. Ses phalanges aussi. Son corps entier réclamait davantage de la parade de boxe thaï à laquelle il s'exerçait depuis 08h30. Mais il n'en fit rien et imita son ami. 

De deux doigts, il retira son écouteur sans fil, se coupant du débit soutenu du rappeur N.I.R.O. Autour de lui, les bavardages avaient cessé. Les efforts de respiration et les lâché de poids aussi. Seul le cliquetis des chaines métalliques qui supportaient les sacs de frappe venaient interrompre le silence. Comme eux, la dizaine d'hommes et de femmes dispersés dans le dojo avaient cessé leur activité et tendaient l'oreille. Tous leurs regards étaient portés à la hauteur des enceintes fixées au mur. 

Ziad le gratifia d'un regard interrogatif, ses épais sourcils noirs relevés sur son front. Adrian secoua négativement la tête. Il n'en savait pas plus que lui.

Les haut-parleurs grésillèrent à nouveau. Adrian grimaça en reconnaissant la voix nasillarde qu'ils retransmirent. L'assistante de son père, Laura Virevaux, poursuivit son annonce. 

"Votre lieutenant, Emmanuel Viale, débutera son point informatif à 11h00 ..."

Ses sourcils se froncèrent. 

 "...en salle de réunion Francolu."

Il retira son deuxième écouteur à cette information, réprimant l'envie soudaine d'envoyer son tibia dans le cuir du sac de frappe devant lui.

Francolu, royal ! L'endroit le moins lumineux de tout le pays. 

La salle de réunion Francolu, paumée dans l'aile Est de l'institut, en était l'une des zones qu'il redoutait le plus. Située à cent mètres du dojo, c'était une pièce spartiate, toute en longueur et dépourvue de son équivalent en largeur. Elle était meublée de fauteuils et de tables de travail aussi confortables que médiévaux. Pour il-ne-savait quelle raison, Laura Virevaux avait choisi de disposer le tout en U autour de l'ancêtre hors d'haleine d'un vidéoprojecteur. Chacune des réunions passées entre ses quatre murs en sous-sol était plus pénible que la précédente. 

Le dojo lui donnait bien plus envie. Situé à même la forêt et excentré des autres zones de l'institut, le hangar d'une hauteur de cinq mètres était un endroit ou la notion d'espace ne lui faisait jamais défaut. L'espace comptait pour lui. Il pouvait s'éterniser des demi-journées entières entre ses murs de briques rudes, à se soucier uniquement de ses progrès physiques. Il aimait s'y rendre de bon matin pour accompagner ses échauffements des premiers rayons du soleil. A l'intérieur, la lumière émergeaient de baies vitrées colossales pour réchauffer le cuir des bancs de musculations, pour luire sur l'acier des barres à tractions et pour rebondir sur les machines à poulie.

Ce paradis comparé à l'idée de se retrouver assis pendant une heure et demi en salle Francolu l'oppressa. Il leva les yeux sur la pendule digitale suspendue à l'une des poutres en acier noir du dojo. 

09h26. 

Ses sourcils ruisselant de transpiration se défroncèrent. Il soupira. Dieux soient loués, il disposait encore d'une heure pour finir son entrainement. La demi-heure suivante suffirait pour une douche et un sprint vers l'enfer.

τρία - Nouvelle versionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant