SIX

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L'homme scrutait Lydy de la tête aux pieds et soudain, elle réalisa qu'elle venait de commettre une erreur monumentale. Une peur s'empara d'elle et elle dut se mordre la lèvre inférieure jusqu'au sang pour contenir la terreur qui l'envahissait. Mais soudain, les lèvres de l'homme s'étirèrent en un sourire éclatant.

- Enchanté de faire votre connaissance, charmante demoiselle, vous êtes resplendissante ! Je suis Handres.
Quoi ? Avait-elle bien entendu ?
Lydy regarda à droite et à gauche pour s'assurer que cet homme lui parlait réellement. Elle ne prit même pas la main qu'il lui tendait pour se présenter.

- Et vous, qui êtes-vous ?
Poursuivit l'homme, toujours souriant, ignorant totalement l'agitation de la nymphe qu'il décrivait si bien.


- je suis Lydy...

Elle entendit ces mots sortir de sa bouche, comme si elle était un automate programmé.

- Enchanté Lydy, vous êtes absolument ravissante et vous dégagez un charme envoûtant, je suis certain que Monsieur Cruz va être sous votre charme.

- ...

À cet instant, le cœur de Lydy menaçait d'exploser dans sa poitrine.

- Êtes-vous prête à partir ?

Prête à quoi ?

- ....je ....bien sûr...

Répondit-elle, luttant pour reprendre ses esprits.

L'homme afficha un sourire satisfait et lui fit signe de le suivre.

- Allons prendre un verre ensemble, avez-vous déjà réservé une table ?

Lydy désigna timidement sa table, tout au bout de la grande pièce.

- Je ne m'attendais pas à vous voir si tôt, je dois avouer que je suis un peu surpris, vous êtes arrivée avant moi, en fait.

Que pouvait-elle dire ? Comment se sortir de cette situation ?

- ...Eh bien...il faut dire que j'ai mes particularités.

Mon Dieu ! Qu'est-ce qu'elle racontait ?

- Faites-vous cela depuis longtemps ? Je suppose que vous serez merveilleuse, étant donné que Mademoiselle Wedner vous a personnellement recommandée, car elle n'a pas son pareil, Mademoiselle Wedner.

De quoi parlaient-ils en réalité ? En quoi devait-elle être une experte ?

Et les yeux de l'homme brillaient à cet instant, il semblait connaître Mademoiselle Wedner très intimement.

- ...bien...effectivement.... je suis une véritable merveille.

Sacré diable ! Était-ce réellement elle qui prononçait ces mots ? Était-ce bien elle, assise là, en compagnie de cet inconnu ?

Handres acquiesça, visiblement satisfait.

- Eh bien, il n'y a plus de temps à perdre, donnez-moi votre adresse, une voiture viendra vous chercher dans deux heures pour vous conduire directement à la villa.

À ces mots, Lydy manqua de s'étouffer avec sa boisson.
Elle fut prise d'une violente quinte de toux, qui surprit l'homme. Maladroitement, il tenta de la calmer en lui tapotant le dos.

- Pardonnez-moi.
Parvint-elle à souffler honteusement, avant d'inscrire, sans pouvoir relever la tête, sur l'arrière d'une vieille carte, son adresse qu'il lui demandait, ou plutôt, l'adresse du plus prestigieux hôtel de la ville.

Lydy quitta les lieux, la tête encore embrumée, et eut bien du mal à rentrer chez elle, tant elle était étourdie, se trompant à plusieurs reprises de chemin.
Elle commettait une erreur, une grande folie qui n'était pas digne de la famille Hastal ; sa mère n'en avait pas fait longtemps l'honneur, mais ses grands-parents étaient des personnages respectés. Elle était consciente de sa démence, tout en entendant une petite voix dans sa tête lui murmurer que cela n'était rien comparé à sa situation actuelle. Elle ne comprenait pas pourquoi ce fameux Cruz cherchait une fausse fiancée, pourquoi il ne se mettait pas simplement en couple et pourquoi il choisissait n'importe qui.
Mais elle ne pouvait pas juger de tout cela, car elle était elle-même responsable de ses actions.

Elle prit un bain avec une lenteur délibérée, s'attardant sous le jet d'eau pour tenter d'oublier le tourment qui l'habitait, ses mains tremblant même. Elle enfila sa plus belle robe afin de paraître élégante ; une robe beige ornée d'un col et de boutons en or. Elle prit grand soin de se coiffer et de se maquiller.

Elle compléta ensuite son apparence avec sa paire de chaussures la plus précieuse et son unique sac à main de marque. Elle se retrouva finalement méconnaissable, et surtout différente de la Lydy qu'elle était autrefois.

Soudain, une pensée effrayante traversa son esprit : que faisait-elle exactement ? Elle allait voler le rendez-vous de quelqu'un qu'elle ne connaissait même pas, sans avoir la moindre idée de qui elle allait rencontrer. Le pays était infesté de criminels qui tuaient sans hésitation, et elle prévoyait de mentir aussi facilement. Si on découvrait son stratagème, elle risquait sa vie.

La vérité la terrifia tellement qu'elle s'effondra sur son lit. Et si la véritable fiancée appelait pendant qu'elle était avec Cruz ? Et si cette femme débarquait et révélait tout ? Comment pourrait-elle s'en sortir ?

Les yeux grands ouverts, elle s'imagina être maltraitée à cause de son mensonge, se retrouvant couverte de ridicule.

Elle ne se rendrait certainement pas à ce rendez-vous. Et tant pis pour Handres, de toute façon la véritable fiancée viendrait à lui grâce à sa cousine la wedner et elle-même resterait chez elle, et il était certain qu'elle ne commettrait plus jamais de telles erreurs impulsives.

Lydy se leva rapidement pour se déshabiller, mais d'abord la sonnerie de la porte d'entrée se mit à retentir. C'était sûrement leur voisin, et tant pis s'il la voyait vêtue de cette manière, elle était pour une fois présentable, n'est-ce pas?

Mais quand elle ouvrit, elle mit une main sur son cœur.

- Vous ne vous êtes pas présentée à votre rendez-vous, mademoiselle Hastal, c'est un retard grave.

- C... comment avez-vous obtenu mon adresse ?... bégaya-t-elle.

- Oh ! Nous savons tout sur tout le monde, mademoiselle Hastal, au fait, je suis Walter.

L'homme derrière Handres lui tendit la main et elle crut défaillir.
Ils croyaient vraiment qu'elle était la cousine de Wedner et qu'elle était simplement en retard.

- Je... je vous en prie, je ne suis pas...

- Vous n'avez pas vu l'heure ?
Lui demanda Handres.

- Non, non ! Ce n'est pas ça, je ne partirai pas avec vous.
Déclara-t-elle d'un ton qu'elle voulait autoritaire.
Les deux hommes se regardèrent puis éclatèrent de rire.

- Vous vouliez aller voir un autre client ?

- Quoi ? Non !

Handres lui attrapa brusquement le poignet.

- Venez, mademoiselle Hastal, il n'y a plus de temps à perdre.

Elle se mit aussitôt à se débattre.

- Non, non ! Vous vous trompez, je ne suis pas, je ne suis vraiment pas...

En guise de réponse, elle fut jetée dans la voiture la plus luxueuse qu'elle ait jamais vue, et celle-ci démarra immédiatement.

Un cuir argenté, d'une caresse inégalée, une fragrance de champagne embaumant l'atmosphère, des coupes déposées devant elle sur un plateau, accompagnées de la bouteille de la marque la plus somptueuse qu'elle ait jamais contemplée. Un espace spacieux, d'un confort inouï, et des lumières, des lumières éparpillées qui la transportaient dans un monde féerique.

La voiture finit par ralentir devant un imposant portail, après avoir suivi un long chemin tracé dans une sorte de domaine majestueux, puis elle s'immobilisa complètement.
Elle se trouvait chez un magnat des affaires.

PLUS JAMAIS NULLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant