Partie II_4 : Incomprise

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Pratiquement toutes les filles de mon âge avaient du mascara qui recouvrait les cils de leurs yeux, mais pas moi. Je suis bel et bien une exception. Mais, une fois, en l'occasion d'une chorégraphie sportive d'acrogym qui avait durée deux cours de sport seulement, ma mère m'avait exceptionnellement autorisé à en mettre. Il fallait être en tenue raccord avec son thème. En l'occurrence, pour mon groupe, c'était les Pirates des Caraïbes, donc les couleurs sombres étaient les bienvenues, tel le mascara noir. Ces fois-là, je dois également vous avouer, j'en avais également profité pour épater un garçon de mon collège que je trouvais d'une beauté indéfinissable, mais mes efforts n'ont servi que pour le vide. Cela n'avait eu aucun effet sur lui.

L'après-midi même de cette deuxième séance de sport, à la fin de mes cours, une fois chez moi, j'allai poser une question bien précise à ma mère. Cette question m'était fondamentale pour que ce garçon me regarde, même d'un coup d'œil rapide, et qu'il remarque ma beauté à moi.

Ma mère était tranquillement assise sur le canapé du salon, à l'étage. Elle lisait un magazine avec une concentration tout à fait remarquable. Je la coupa un instant pour insérer ma question qui brisa par la suite le silence de la pièce :

- Maman, dis-je timidement, j'aimerais mettre du mascara quotidiennement, pour aller au collège.

D'un seul coup, en entendant ma voix, elle décrocha ses yeux de l'article qu'elle lisait avec autant d'attention, pour poser son regard sur moi.

- Et pourquoi ça, me réponda-t-elle par cette simple question.

Ses yeux avaient soudainement changé d'état d'esprit ; d'un calme reposé, ils étaient devenus interrogateurs. Alors je lui répondis :

- J'aime bien en mettre, et puis cela me va bien.

- Non, me dit ma mère pour répondre à ma question.

- Pourquoi tu ne veux pas, demandai-je de plus belle tout en montrant ma légère colère.

Ma mère paraissait exaspérée et elle me dit tout en soufflant doucement :

- Tu ne vas quand même pas commencer à te mettre du mascara pour aller au collège. Non, c'est absurde. C'est hors de question.

- Je ne vois pas le problème, dis-je en étant un peu dépassée par la réponse de ma mère.

- Le problème c'est que tu es bien trop jeune pour agir ainsi.

- Mais maman, la suppliai je, s'il te plaît, toutes les filles en mettent et j'ai l'impression d'être une intruse parmi elles.

- N'en fais pas tout un cirque ! Ce n'est pas dramatique que tu ne sois pas comme ces filles ! C'est même une bonne chose je dirais. Estime toi heureuse.

- Bah si justement, tu ne t'en rends pas compte c'est tout !

- Emma, conclue-t-elle avec une fermeté imbattable, tu m'as posé la question, je t'ai dit non, le sujet est clos. Ce n'est tout simplement pas discutable ! Et cesse de te rebeller, cela devient un peu insolent si je peux me permettre !

D'un dernier regard, je quittai la pièce, rejoignant ma chambre, aussi vite que j'étais venue. Je fermai brusquement la porte de ma chambre.

Incomprise, c'était le mot. Je me sentais incomprise. Ma mère ne semblait pas comprendre l'importance de ma question. Mais elle ne savait pas tout. Je ne lui avais pas parlé de ce garçon, et en aucun cas je ne l'aurais fait. Cela n'aurait servi à rien.

Ma mère ne me laissera donc pas à quinze ans, essayer de devenir un peu plus chaque jour une femme, même par de simples débuts communs à toutes les jeunes filles. Le mascara était l'illustration parfaite d'un début commun, par lequel passent toutes les filles de ce monde. Il existe pleins d'autres débuts simples, mais celui-là était le plus accessible, mais peine perdue.


Par andrea_grant_286
21 Avril 2023

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