35 - Evan

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April... Ses yeux sont ternes, je n'aime pas ça. Elle a l'air épuisé. Et surtout elle a l'air dévasté. Je la regarde passer devant moi sans même m'accorder un regard. Elle monte les deux marches en bois pourris qui la mène à sa porte et seulement là elle se retourne :

- Tu devrais faire attention à ta voiture, elle coûte trop chère pour ce genre de quartier. Elle ferme sa porte me laissant seul dans le froid de novembre. Si je m'écoutais dès que je l'ai vue, je l'aurais pris dans mes bras. Mais ce n'est pas à moi de faire le premier pas. C'est à elle. De la même manière qu'elle a été là pour moi quand je me suis renfermé, je serais là pour elle. Quitte à dormir dans ma voiture et à rester toute la journée à faire face à cette maison délabrée et dangereusement instable. Je resterai aussi longtemps qu'il le faudra.

April

Je m'adosse à ma porte d'entrée essayant de calmer ma respiration. Mes yeux s'arrêtent sur chaque cadavre de bouteilles, sur le sol poisseux, sur la fenêtre brisé, la télé cassée, le fauteuil où les ressort sont visibles. Mes yeux se posent ensuite sur l'endroit où je me suis fait agresser. Mon corps entier frissonne et je ressens la douleur fantôme de son corps écrasant le mien. Je fais un truc stupide, je regarde à l'extérieur de la maison. Evan est toujours là et ça suffit à me soulager.

Comme à chaque fois que je suis de retour chez moi je fais le ménage, je remplis plusieurs sacs-poubelles avec les bouteilles vides puis je passe le balai partout, j'essaie de récurer toutes les tâches poisseuses. Je finis par mettre du scotch sur la fenêtre brisé histoire de faire une barrière contre le froid glacial de novembre.

Je passe des heures à faire le ménage, j'en ai besoin. Je me vide la tête. Seulement à chaque fois que mes yeux se posent sur la fenêtre brisée, je ne peux m'empêcher de penser à Evan dehors debout dans le froid.

Je monte à l'étage et fait le ménage. Je nettoie chaque centimètre carré de cette foutue ruine. Mais tandis que je frotte et que mes bras chauffent, je ne pense à rien d'autre. J'oublie ma grand-mère, j'oublie mon oncle, j'oublie ma mère, j'oublie ma peur, j'oublie Evan.

Quand mon téléphone sonne, je remarque que le soleil est debout. Putain de merde ! J'ai passé la nuit à faire le ménage. Mon corps entier me fait mal et je rêve un instant de me laisser tomber dans mon lit. La sonnerie de mon téléphone coupe mes rêves et je pars décrocher en grognant. Je fronce les sourcils en voyant que c'est un numéro inconnu.

- Allô ?

- April, c'est toi ? Même avec les grésillements du portable, je suis capable de reconnaître la voix de ma grand-mère.

- Qu'est-ce que tu me veux ? Mon corps entier est crispé comme si elle se trouvait face à moi.

- Sache que tu ne sais pas tout sur ton père. Je... Rejoins-moi au cimetière et je te donnerai des affaires à lui. Malgré moi, un sourire naît sur mon visage.

Ma mère a brûlé toutes les photos de mon père. Mes grands-parents ne l'ont rencontré qu'une ou deux fois à cause de la distance et n'ont jamais eu aucune affaire lui appartenant. Mon oncle a toujours refusé de m'en parler.

Je ne devrais pas accepter de la voir. Pourtant, je le fais.

Devant la maison, je trouve Evan. Mon cœur s'emballe et une partie de moi voudrait qu'il m'accompagne. Qu'il soit là pour me tenir la main et me rassurer rien que par sa présence. Je ne le fais pas et passe mon chemin.

Devant le cimetière, je repère tout de suite la silhouette de ma grand-mère. Son dos courbé ses vêtements typiques d'une grand-mère sa canne en bois. Je sors et m'approche sans la toucher comme je le faisais hier encore. Elle a brisé ce lien entre nous et je n'ai ni l'envie ni la force de le réparer.

Evan & AprilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant