Toi, et seulement toi

- 3 -

Noémie

Ils sont tous là. Tous sans exception. Lui aussi il est là. 5 ans. 5 ans que je ne l'ai pas vu. Je lutte pour ne pas poser mes yeux sur lui. Je sens sa présence peser sur moi. J'ai l'impression de pas pouvoir respirer normalement.

En général quand tu quittes quelqu'un c'est que tu ne l'aime plus, ou que tu te sens utiliser voire manipuler. Avec Ben c'était différent. Je l'aimais comme une folle, mais je pouvais pas le faire souffrir à cause de ce que j'étais en train de vivre. Après le décès de mes parents j'étais distante avec tout le monde, encore plus avec Salomé et Ethan, alors je savais que je pouvais devenir blessante avec Benjamin. Il était en train de réaliser son rêve de faire carrière dans le foot, je pouvais pas l'en empêcher ou le freiner. C'est bizarre de le voir là. C'était déjà bizarre de le voir à la télé lors de la coupe du monde, d'ailleurs c'est à ce moment-là que Salomé a dit à Mathis qu'on était sorti ensemble tous les deux. Il en revenait pas, mais j'ai confirmé les dires de ma sœur.

Les joueurs de l'équipe de France parlent avec Mathis pendant que je prends mes anti-douleurs. J'ai une heure de temps à tuer et je ne veux absolument pas quitter cette pièce pour ne pas me faire remarquer. Je ne sais pas s'ils savent qui je suis pour Benjamin, mais je n'ai pas envie d'avoir la réponse à cette question. Mon plan est simple : devenir invisible. Ça marche un temps. Petit à petit la pièce se vide. Les joueurs se dirigent vers les étages inférieurs par groupe 5/6 personnes. Evidemment à la fin il ne reste plus que Lucas, Hugo, Olivier, Kingsley, Raphaël et Benjamin. Mathis qui est en pause est encore avec moi mais plus pour très longtemps. Il me reste moins de 20 minutes avant qu'Ethan ne revienne de ses soins. Pile au moment où je me disais que j'étais finalement bien tombé, il aurait pu rester Antoine, Paul ou Presnel qui avaient l'air d'être les plus gros forceurs, Lucas s'est décidé à me faire la conversation.

-Et pourquoi t'es ici ?

Sa question m'étonne. Je suis d'abord septique, je le regarde les sourcils froncés avant d'enfin lui répondre légèrement sur la défensive.

-Mon frère est ici.

-Il a quoi ? C'est bien la première fois que Benjamin me parle depuis 5 ans.

Il a l'air vraiment intéressé, mais je ne sais pas pourquoi cette simple question fait remonter tout ce que je lui reproche depuis plusieurs années.

-Fait pas comme si t'intéressais. Dis-je sèchement.

J'ai bien conscience que depuis de longues minutes je suis très froide et distante, et même voire agressive. Je suis comme ça depuis que j'ai quitté le Nord. A cette époque je subissais un harcèlement, les gens disaient que je profitais de la mort de mes parents pour être absente et ne pas rendre mes devoirs. J'ai carrément changer de lycée et de ville à 2 mois du bac à cause d'eux. Tous les jours les gens crachaient dans mon dos, et même face à moi, ils ne se retenaient pas. Alors en arrivant à Paris j'ai décidé deux choses : ne pas évoquer la mort de mes parents, et ne pas laisser n'importe qui entrer dans mon cercle d'amis. C'est comme ça que je suis devenue froide aux premiers abords. Je sais que ça n'excuse en rien comment je viens de leur parler, mais je peux pas faire semblant, encore moi avec Benjamin dans la pièce. J'ai vraiment très mal pris le fait qu'il sorte avec Alice, celle qui s'acharnait le plus contre moi.

-Tu veux pas qu'on parle au lieu de m'agresser ?

Je jette un coup d'œil a Mathis avant de me lever en soufflant. Benjamin comprend que ça veut dire que j'accepter sa proposition puisqu'il me suit. Je galère à marcher, et il le voit

-T'as besoin d'aide ? propose-t-il

-Non c'est bon.

Je l'amène vers le seul endroit où je sais qu'on sera tranquille. J'ouvre laborieusement la porte qui mène vers la cage d'escalier la moins empruntée du monde. Je m'appuie contre un mur et Ben fait la même chose sur le mur d'en face. On reste silencieux pendant un petit moment, c'est lui qui voulait parler alors c'est à lui de commencer.