Déjà un peu plus d'un mois que je suis là et tout va pour le mieux. Du moins, selon moi, car ma mère continue de rester sceptique et me sort à peu près une fois par semaine la carte du rapatriement à domicile. « J'ai loupé le métro ce matin, j'ai du prendre celui qui passait six minutes après » : « Néra, si tu continues comme ça, tu vas devoir revenir faire tes cours à la maison. » ; « Aujourd'hui, je n'avais pas pris le temps de me faire une gamelle pour manger à midi, du coup, avec Chana, on a été mangé au food truck qui est devant l'école. » : « Un food truck ? Néra, fais attention à ton argent et ne mange pas n'importe où. Si tu tombes malade, tu seras obligé de revenir voir ton médecin traitant. » ; « Tu ne veux pas me donner ton avis sur ce projet qu'on doit réaliser en classe, j'ai du mal à l'aborder ? » : « Si tu n'es pas capable de travailler par toi-même, il vaut mieux que tu reviennes ici. » Le pire a été quand, hier, elle m'a dit « j'ai eu Victor au téléphone, il m'a dit que tout allait bien et que vous faisiez même des soirées pizza ensemble. Ce n'est pas ton genre. Je sais que vous me cachez quelque chose, s'il te plaît Néra, sois gentille avec Victor, sinon tu reviens à Blessac ! » Alors qu'en ce moment, on a commencé une nouvelle série et qu'on se choisit mutuellement nos pizzas. Comment puis-je être plus gentille ? En lui lavant les pieds ?
Assise devant l'un des ordinateurs de la salle informatique, j'essaye de mettre en pratique les bases du coding que monsieur Dubois nous a enseigné. Ce n'est pas ma matière préférée. J'admets ne pas réussir à assimiler le langage nécessaire et ne parfois rien comprendre. Je zieute mon cours, recopie des balises, supprime, recommence, teste, mais rien ne va comme je le veux. Je me sens stupide et frustrée, très frustrée au point que je sente la colère ronger petit à petit mon cœur. Je serre fort les poings devant ma bouche pour cacher le son de mon grognement.
– Besoin d'aide ?
Mon égo me pousse à répondre « non ». Mon bon sens m'intime d'être raisonnable, non seulement parce que je n'y arriverai jamais seule, mais aussi, et surtout, car on n'aboie pas après un professeur gentil qui nous offre son aide.
Gênée, je me retourne vers lui et, jouant avec mes doigts, je réponds :
– S'il vous plaît...
Les mains enfouis dans les poches de son pantalon de costume gris, il acquiesce avec le sourire, avant de se rapprocher de moi. Maintenant que je le vois de plus près, je bug sur le dessin qui orne son t-shirt noir : un assemblage de petits emblèmes de la culture pop, comme un rubik's cube, un furby et le logo de Superman. Ce professeur est parfois tiré à quatre épingles et d'autres jours portent toute la panoplie du joueur de jeux vidéos. Aujourd'hui est une belle combinaison des deux.
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Inconcevable
RomancePour la première fois de sa vie, Néra se voit accorder un peu de liberté par sa mère. Elle accepte de la laisser partir continuer ses études à Toulouse, à 400 km de chez elle et de tout ce qu'elle connait. Mais, voilà qu'elle lui impose une collocat...