L'Appel de l'Ancien Monde - Tome 4 : La révolte des damnés

Le récit des damnés - Partie I

            Une foule d'Elevide était massée dans la grande salle de prière du Temple. Les conversations et les chuchotements emplissaient les lieux, déversant leur écho terrifié sur les murs immaculés.

À peine eussé-je mis le pied dans la salle que je sentis leur présence.

Arock, pensai-je tout de suite.

Mais, cette fois, il n'était pas seul.

Nathan accourut vers moi, ses yeux ambrés cherchant les miens dans cette nuée de regards affolés et curieux.

-Ev, souffla-t-il, ils sont là. Les Créatures...

-Comment sont-ils entrés ? demandai-je en le suivant, Adel sur les talons, vers le fond de la salle où toute l'Élite ainsi que le Sarneï étaient réunis.

-On ne sait pas, c'est ton frère qui les a découverts ici. Personne ne sait comment ils sont entrés ni comment on a fait pour ne pas ressentir leur présence...

J'avisai mon frère, l'air prêt à passer à l'attaque si les choses tournaient mal. Ils étaient tous là, crispés et sur leurs gardes.

Nom de Diane, pourquoi papa, maman, Lara et Jason n'étaient-ils pas là !

Puis je les vis. Ils étaient deux. Un homme et une femme. Ils nous tournaient le dos tout en fixant la statue d'Eliora, ainsi que son tombeau à ses pieds.

Ils ne disaient rien, ne bougeaient pas, ne respiraient même pas. Seules les ténèbres de leur pouvoir vibrant autour de nous prouvaient qu'ils étaient vivants.

Personne ne semblait prêt à bouger ou à esquisser le moindre geste. Nous n'allions quand même pas rester là, à ne rien faire, alors qu'ils venaient impunément de violer nos lois en entrant dans notre unique refuge.

Je levai les yeux vers Nathan, qui savait déjà ce que je m'apprêtais à faire. Il me regarda longuement puis finit par hocher la tête, non sans avoir serré doucement ma main dans la sienne.

Je fis un pas en avant, puis deux, alors que je sentais très clairement la désapprobation des miens derrière moi.

Les autres Elevides présents avaient leur main posée sur leur bouche, retenant les cris qui menaçaient de leur échapper. Ils avaient peur. Non, ils étaient terrifiés. Nous qui avions toujours cru être la seule race arpentant Solaria, voilà que nous nous retrouvions face à d'autres êtres aux pouvoirs égalables aux nôtres.

-Cela faisait longtemps que je n'avais plus vu son visage, siffla la femme en contemplant toujours la statue représentant Eliora, mais je n'en ai oublié aucun détail. Ils sont gravés en moi.

Puis, lentement, ils se retournèrent.

-Evalina Darkhane, susurra la voix douçâtre d'Arock. Ravi de te revoir.

Si j'avais déjà eu l'occasion de rencontrer Arock et son visage mortifère, il n'en était rien de la femme à ses côtés. Grande, maigre, la peau aussi pâle et cadavérique que son homologue masculin, des yeux entièrement noirs, des veines sombres... elle n'avait rien de vivant. Pourtant... Ses longs cheveux d'argent, son visage délicat, l'harmonie de ses traits laissaient penser, qu'un jour, cette femme avait été belle, somptueuse même, du moins... tout comme Arock, elle aurait pu l'être si elle ne semblait pas si détruite.

Elle me dévisageait aussi effrontément que l'avait fait Arock. Me scrutant de haut en bas, comme si elle ne souhaitait qu'aucun détail de ma personne ne lui échappe. J'étais terriblement mal à l'aise face à ce regard perçant, pourtant, je ne me dérobais pas, et lui renvoyai le même regard.