L'Appel de l'Ancien Monde - Tome 4 : La révolte des damnés

Loyauté éternelle

Adel

Adel était retournée chez elle, dans leur maison familiale au fond des bois, à l'orée d'une clairière où elle, Evalina et Eden étaient de nombreuses fois venues s'y amuser, enfants, et plus tard, adolescentes, à discuter en contemplant le ciel.

Depuis qu'elle avait intégré l'Élite et qu'elle s'était installée à l'Eyal, elle n'avait plus jamais dormi chez ses parents, même lorsqu'elle était revenue de sa formation avec son Drachane. Adel, à l'inverse de sa meilleure amie Evalina, n'avait pas ressenti de déchirement en partant finir sa formation pour entrer dans l'Élite. Ni sa mère, ni son père, ni ses frères ne lui avaient manqué. Elle les aimait, certes, elle était prête à mourir pour eux, ils restaient sa famille, son sang. Mais... elle n'avait jamais compris le lien qui unissait les frères et sœurs Lightsword, elle enviait Evalina et Jérémie, qui s'aimaient d'un amour si fort qu'ils avaient choisi d'unir leur vie par le sacrifice ultime : la mort de l'un entrainerait dans la seconde la mort de l'autre. Adel trouvait cela beau, mais jamais elle ne verrait un de ses frères faire de même avec elle. Julian et Adam étaient des frères aimants et protecteurs, mais il n'y avait pas ce lien en plus qui rendait tout si différent.

Non, sa famille ne lui avait pas manqué. Son père un peu peut-être, mais certainement pas sa mère. Les personnes qu'elle avait le plus ardemment souhaité revoir n'étaient pas de son sang. Andréa, Eden... et Evalina. Evalina lui avait manqué, terriblement même. Jamais encore les deux jeunes femmes n'avaient passé autant de temps séparé l'une de l'autre, jamais elles n'avaient eu à vivre séparé plus de quelques jours, et voilà qu'elles avaient dû apprendre à être seules pendant deux ans. Jamais Adel n'aurait imaginé que ne plus voir sa meilleure amie serait un tel déchirement, jamais elle n'aurait pensé que l'amitié pouvait faire aussi mal que l'amour.

Et à présent, Evalina était revenue. Différente, certes, mais toujours elle. Et ça s'était produit.

Adel ferma les yeux, revivant la scène dans sa tête. Quelle sensation terrible que de vouloir parler, s'exprimer, et de ne plus entendre de sons sortir de sa bouche. Elle avait voulu hurler pourtant, elle avait crié dans sa tête. Elle avait tiré sur ses cordes vocales de toutes ses forces, elle avait lutté contre l'emprise de son amie avec ses pouvoirs, mais rien n'y faisait, Evalina était plus forte.

Evalina était plus forte qu'elle. Cette révélation lui fit un choc. Adel avait toujours été la meilleure des trois amies. Toujours. Et voilà qu'Ev revenait, tous ses pouvoirs lui étant rendus. Adel aurait dû lui en vouloir, se sentir jalouse, flouée, trahie. Il n'en était rien. Elle était simplement heureuse pour son amie, qui avait toujours pensé, à tort, qu'elle était dans l'ombre des autres Héritiers. Evalina n'avait jamais compris que sa force était autre. Elle ne le saura jamais, puisqu'à présent, elle pouvait tous les égaler, voir les surpasser.

Une boule se forma dans son ventre. Ce n'était pas bon pour Evalina, si elle se définissait seulement par ce pouvoir, elle était perdue. Elle était tellement plus que ça.

Après l'évènement d'aujourd'hui, Adel avait senti le besoin, pour la première fois, de revenir ici, là où elle avait grandi, entourée de frères qui la voyaient simplement comme leur petite sœur calme et intelligente.

Adel l'entendit arriver avant même qu'il entre dans la maison, avant même que son ombre ne sorte de la cime des arbres.

Andréa.

Sans réfléchir, elle sortit de la chambre, dévala l'escalier et se retrouva bientôt sur le seuil de la porte.

Andréa avançait lentement, les yeux fixés sur elle.