Eden
Alors qu'elle avançait vers les huit Originels déchus, Eden eut soudain peur. Pour la première fois depuis qu'elle avait choisi de suivre les Créatures et d'abandonner sa famille, elle se surprit à douter.
Le doute est une chose terrible, pensa amèrement Eden, son germe est subtil, discret, on ne se rend pas toujours compte qu'il a commencé à prendre une petite place dans notre esprit, jusqu'à ce qu'il prenne une place si grande qu'on ne peut l'ignorer. Le doute est traitre et allié en même temps. Le doute étouffe, il empêche d'avancer, il nous force à nous retourner, à regarder en arrière.
Mais Eden Lightsword ne voulait pas regarder en arrière, elle ne doutait jamais, elle ne regrettait rien. Pourtant, les visages des Originels et des autres Créatures présentes semèrent la petite graine dans son cœur.
Et si elle s'était finalement trompée ?
Vêtue de sa tenue de combat gris clair, de son épée bien au chaud dans son fourreau, elle mit pied à terre et baissa humblement la tête.
Un terrible sentiment de déjà vue la saisit, il ne venait pas d'elle, elle en était certaine, mais la sensation était troublante. Terrifiante.
Elle avait pensé avoir fait le bon choix, mettre fin aux règnes des Lightsword, changer les choses. Cara lui avait ouvert les yeux sur certaines vérités, et sur certains secrets concernant Sara Lightsword. Les Créatures lui avaient offert la possibilité de changer les choses.
Non, murmura une petite voix dans sa tête, pour te venger. Te venger d'Evalina et de Nathan. Et de l'amour que ce dernier ne t'a jamais offert.
Elle chassa cette voix avec colère. C'était faux, complètement faux.
Elle avait rencontré les huit Originels déchus, elle avait vu leur beauté fanée, détruite. Elle avait observé leurs descendants, encore plus cruels et haineux que ne l'étaient leurs parents, et elle avait senti la présence glaçante de l'Entité, et elle avait douté.
Les Lightsword devaient payer pour leur crime, mais ces Créatures n'étaient-elles pas pires, finalement ?
Cependant, elle avait l'impression d'être la seule à douter, Ilatus, Laya ainsi que les autres Elevides qui avaient suivi les Créatures ne semblaient pas douter, eux, ils étaient toujours aussi sur d'eux.
Que feraient-ils lorsque tous les Elevides auront disparu ? les assassineront-ils également ?
Un long frisson la saisit, elle avait dit accepter ce sort, mais plus elle y pensait, plus elle se faisait la terrible et pourtant évidente réflexion que non, elle n'avait pas envie de mourir. Pas à 17 ans. Pas encore.
-Eden Lightsword, tonna Arock, es-tu prête à recevoir en toi la bénédiction de notre pouvoir ? À voir tes pouvoirs, non plus se tarir peu à peu, mais resplendir de puissance ?
Les autres Elevides qui, comme elle, avaient rejoint les rangs des Créatures avaient également reçu une partie de la magie de l'Entité, empêchant ainsi leur pouvoir de mourir avec l'Ancien Monde. C'était son tour à présent.
-Oui, je le suis, dit-elle en n'hésitant qu'une seule seconde.
Elle ne pouvait plus faire machine arrière.
-Alors que l'Entité trouve en toi la force dont elle a besoin.
Eden fronça les sourcils, ce n'était pas du tout ce qui avait été dit aux autres Elevides avant elle.
Eden croisa le regard de Cynéa, elle sourit. La jeune fille comprit au même instant, elle se releva précipitamment, mais c'était déjà trop tard.
Une force terrible, destructrice, écrasante et étouffante lui tomba dessus et entra en elle. Elle tomba à genoux et hurla à s'en déchirer les cordes vocales. Elle hurla comme jamais encore elle ne l'avait fait. Tandis que la force prenait possession d'elle, elle sentit sa propre magie se consumer. Et bientôt, elle ne sentait plus ses jambes, puis ce fut au tour de ses cuisses, de son bassin, de sa poitrine, de ses bras, de ses mains. Et enfin, de sa tête.
Elle était couchée sur le sol, incapable de bouger, elle respirait à peine, la douleur enflammait son être et la dévorait de l'intérieur.
Des larmes chaudes au gout de l'impuissance se mirent à rouler sur ses joues.
Le doute avait essayé de germer en elle, mais il était déjà trop tard. Elle s'était trompée. Elle avait fait le mauvais choix, et elle allait le payer de sa vie, ils allaient tous le payer.
Elle pensa à ses parents, à leur chagrin et leur déception lorsqu'ils apprendraient ce qu'il est advenu de leur fille unique. Elle pensa à sa famille, ses amis. Adel, sa douce et tranquille amie. Jérémie, son petit cousin à l'air sévère qui cachait un cœur bon. Diana et ses folies d'enfant, Juliette et l'avenir brillant qui l'attendait, Julian, Adam, Nathan... Evalina.
Evalina. Je t'ai aimé, petite cousine, je t'ai envié autant qu'admirer. Tu avais tout. Moi rien. J'espère que tu me pardonneras.
J'ai eu tort, j'ai eu tort, j'ai eu tort.
Trop tard, petite Elevide, susurra une voix dans sa tête. Tu es à moi, à présent. Ton cœur m'a toujours appartenu, mais maintenant, ton corps l'est aussi.
La jeune fille pensa à tous ceux qu'elle avait aimé et déçus, elle aurait tout donné pour revenir auprès d'eux, mais il était trop tard... trop tard.
Eden Lightsword ferma les yeux.
-Maitre ? souffla la voix inquiète de Cynéa.
La jeune fille ouvrit les yeux, des volutes noires à la place des iris vert foncé de la jeune fille contemplèrent les huit Originels. Un sourire cruel étira ses lèvres, tordant les traits pleins de jeunesse de celle qui fut autrefois Eden.
-Mes amis... Il est temps de faire payer à Eliora Darkhane et ses rejetons les crimes qu'ils ont jadis commis... Et leur plus grand ennemi n'est personne d'autre qu'eux-mêmes. Nous avons encore un atout majeur entre nos mains, l'heure est venue de l'utiliser.
Les Originels et leurs descendants s'inclinèrent docilement. Les Elevides qui avaient rejoint l'autre camp furent effrayés et horrifiés par ce qui était arrivé à Eden Lightsword, mais ils finirent par s'incliner eux aussi, les membres tremblants de peur.
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L'Appel de l'Ancien Monde - Tome 4 : La révolte des damnés
ParanormalAprès des siècles à tourmenter inlassablement les Elevides et à fomenter leur chute, l'Entité est revenue, prête à détruire une bonne fois pour toutes le peuple d'Evalina. La jeune fille, autrefois dans l'ombre de ses pairs, rayonne à présent d'un...