La chute de l'ange

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L'Épée de Rubis tomba à terre dans un bruit sourd.

            Cynéa était cernée. Elle n'avait pu résister à l'assaut conjugué de Jérémie, Adam, mon père et ma mère. Ils ne leur avaient fallu que quelques minutes pour la mettre à terre.

            À genoux et à bout de souffle face à ma mère, elle la regarda se baisser et saisir l'Épée tueuse d'immortelle. Ma mère la contempla en silence, la bataille autour de nous s'était arrêtée et tout le monde avait les yeux rivés sur l'Élue.

            -Laisse-moi la tuer, souffla la voix vibrante de haine de mon frère.

            Mon cœur se brisa à nouveau lorsque je ressentis la profonde détresse qui régnait dans le cœur de Jérémie. Juliette gisait à quelques mètres de là, pelotonnée contre Léana qui ne la lâchait plus.

            -Non, fit ma mère d'un ton sans appel. Elle mourra de toute façon. Elle ne mérite pas que nos mains soient souillées de son sang.

            Sans un mot de plus, ma mère se retourna et chercha du regard l'Entité qui observait la scène, un sourire satisfait sur les lèvres. Voir ma petite cousine ainsi était un déchirement, plus rien d'elle ne subsistait dans ce regard ombré de folie.

            Ma mère avança vers elle, l'Épée de Rubis étincelait dans sa main pâle.

            -Sara Lightsword, fit-elle d'un ton exagérément lent. L'Élue. Te voici devant moi, comme l'a un jour été Azaran Darkhane, ton double, prête à venger les tiens... Tu ne sais pas encore que tu mourras aujourd'hui, tu crois surement pouvoir m'arrêter, mais tu te trompes. (L'Entité sourit.) Je dois bien avouer que tu es une créature absolument exceptionnelle. La flamme des premiers Elevides vit en toi plus qu'en quiconque, mais cela ne te suffira pas pour me battre.

            -Quitte ce corps, lança ma mère d'une voix empreinte de menace.

            -Pourquoi le ferais-je, petite Darkhane ? Eden s'est donnée à moi de son plein gré, elle savait ce qu'elle faisait. Son corps et son âme m'appartiennent.

            Ma mère tendit l'Épée devant elle, des ombres dansaient sur son visage, et l'air menaçant qu'elle arborait en cet instant aurait suffi à en faire trembler plus d'un. Malheureusement, l'Entité ne sembla pas impressionnée et se mit à rire.

            -Tu sembles avoir fait ton choix, mon enfant.

            L'instant d'après, une arme de plus de deux mettre, faite d'ombre et de ténèbres ondulantes, apparut dans les mains d'Eden.

            Je ne vis pas l'instant où l'Entité et ma mère se ruèrent l'une vers l'autre. Je ne vis pas non plus le moment où leurs épées s'entrechoquèrent.

            J'aurais voulu pouvoir dire que le combat était magnifique, que je n'avais jamais vu deux êtres se battre ainsi. Malheureusement, je ne vis rien, ou presque... Parfois, j'apercevais l'éclat d'une lame noire, ou le scintillement d'un œil trop bleu, ou le blond roux des cheveux de celle qui avait été ma petite cousine. Mais rien de plus, seulement deux ombres qui se mouvaient avec une vitesse et une violence fascinante. Je ne pouvais que me contenter de saisir la main d'Adel dans la mienne et de la serrer de toutes mes forces. Mon père semblait très concentré, il suivait surement toutes les pensées de ma mère et devait certainement être plus au fait que nous sur le déroulement de ce combat titanesque.         

            Soudain, la terre se mit à trembler sous mes pieds, le vent se déchaina et les vagues se firent de plus en plus hautes et écrasantes, Solaria tout entière semblait assister au combat légendaire entre l'Élue et l'Entité. Un combat prévu depuis des milliers d'années, un combat que le ciel avait chanté depuis longtemps déjà. Un combat à mort que les étoiles soufflaient aux vents depuis la naissance de Sara Lightsword. L'Univers connaissait-il l'issu de cet affrontement ? Les éléments savaient-ils depuis la création de l'Entité, qu'un jour, elle sortirait vainqueur ou défaite face à une femme aux cheveux noire ? Les étoiles auraient-elles aimé ma mère pour finalement savoir qu'au bout du compte, elle échouerait et mourrait ? Je ne pouvais l'imaginer, ma mère devait gagner, il ne pouvait en être autrement.

L'Appel de l'Ancien Monde - Tome 4 : La révolte des damnésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant