L'Appel de l'Ancien Monde - Tome 4 : La révolte des damnés

Le soleil de mes nuits

Il y a bien longtemps...

            Eliora Darkhane était penchée sur le balcon de sa chambre, vêtue d'une simple robe transparente bleu clair qui laissait voir les formes parfaites de son corps.

            Le ciel était d'un noir d'encre et les étoiles brillaient intensément au-dessus de sa tête. Ses longs cheveux blonds se balançaient au gré de la douce brise nocturne. Ces dernières semaines, elle peinait à trouver le sommeil, et pour la première fois de sa vie, elle trouvait dans la pénombre un brin de réconfort. Elle qui était née pour briller sous le soleil éclatant de Solaria, elle venait à apprécier la compagnie de la nuit ainsi que ses précieux conseils. Parce que oui, Eliora Darkhane, la plus puissante Originelle, celle qui représentait à elle seule la connaissance et la force, celle qui avait été créée par le souffle de la vie et l'amour de l'Univers, celle qui était bénie par les cieux lointains, celles dont l'Univers lui avait fait cadeau d'un bracelet fait d'étoile et de lumière, doutait. Elle doutait. Et cela lui était étranger. Elle avait passé sa longue vie à savoir, à tout savoir, elle savait toujours quoi faire, elle avait réponse à tout. Mais là, elle se retrouvait face à quelque chose qu'elle ne comprenait pas, qu'elle ne connaissait pas. C'était insensé !

            En vérité, faute de savoir, Eliora avait déjà pris sa décision, elle savait ce qu'elle devait faire, ce qui devait être fait. Seulement, elle avait peur, elle ne s'était jamais trompée de toute sa vie, et pour la première fois, elle craignait que cela arrive.

            L'ignorance était ce qu'elle détestait le plus, et voilà qu'elle y était confrontée, elle, Eliora Darkhane, la première créature vivante, l'être parmi les êtres, elle, l'étoile étincelante, le soleil levant. On lui donnait beaucoup de noms, mais ignorante n'en avais jamais fait partie, pourtant c'était ce mot qui tournait en boucle dans sa tête depuis quelque temps.         

            Eliora soupira et se passa une main sur le visage. Depuis quelques dizaines d'années déjà, les siens, les quinze autres Originels, avaient commencé à changer. Oh, rien de bien méchant, mais tout de même... Cela avait commencé par des remarques acerbes, des disputes qui étaient devenues de plus en plus fréquentes, des coups de colère, des rires et des regards moqueurs. Puis LE sentiment avait commencé à se frayer un chemin dans leur cœur. La jalousie, l'envie... Eliora elle-même l'avait ressentie. Elle ne le supportait pas. Elle avait peur. Ils étaient des créatures de lumières, sans défauts, bons et droits, ces sentiments empoisonnés ne devraient pas les atteindre !

            Le mal. Seule chose dont elle n'avait aucune connaissance. Elle ne savait rien, ne le comprenait pas. Pourtant, et elle en était certaine, c'était bien le mal qui commençait à noircir le cœur de ses frères et sœurs. Elle était la seule qui se rendait compte de ce qui était de se passer, du terrible danger qui les guettait tous. Que se passerait-il quand ils auraient engendré des descendants ? Quand ses descendants auront eux-mêmes des enfants ? Il était facile de contrôler quinze Elevides, mais des centaines de milliers ? Impossible. Il était de son devoir, en tant que protégée de l'Univers, d'empêcher le mal d'empoisonner le cœur des siens, de sa famille.

            Elle était si profondément perdue dans ses pensées qu'elle n'entendit pas la jeune femme qui s'était réveillée et qui avançait vers elle.  Si Eliora Darkhane, avec ses yeux d'un bleu envoutant, sa peau d'une pâleur lunaire et ses longs cheveux d'or, était d'une beauté saisissante, on pouvait en dire tout autant de son âme sœur, Cynéa Sarvaes. Légèrement plus grande que la première Originelle avec ses longues jambes fuselées, sa peau de la couleur d'une nuit sans étoile, ses yeux du noir le plus profond, et ses cheveux d'encre de Chine long et lisse, elle était, physiquement, à l'opposé de son âme sœur. L'une, aussi éblouissante que le soleil, l'autre, aussi fascinante que la nuit.