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        Lucien restait bloqué devant la fenêtre. Il regardait les oiseaux ici et là voler, se poser, manger, vivre en liberté tandis que lui était toujours retenu ici parce que personne ne voulait le voir à la rue. Amnésique, c'était le mot que le médecin Zliot avait employé pour décrire l'état de néant concernant sa mémoire. Ce qu'il n'expliquait pas, en revanche, c'était les pertes comme qu'est-ce qu'était un téléphone, le truc qui reflète la lumière sur la table à côté du lit. Lucien n'avait toujours aucune idée de ce qu'était un parachute. Personne n'avait mis le doigt sur ce qu'il se passait chez lui, pourquoi aucune trace de matériel de parachutistes n'avait été trouvée, et pourquoi, après plusieurs jours, il n'appréciait toujours pas l'infirmière Tiaj. Elle avait pourtant été gentille avec lui ! Il refusait constamment qu'elle s'approche de lui. Lucien était sur ses gardes lorsqu'elle était là.

    Ils n'avaient pas réactivé le 'bip' et son état restait impeccable, il se rétablissait à la vitesse d'un éclair. Certes, monsieur Zliot lui avait fait part de son miraculeux rétablissement. Néanmoins il n'expliquait pas les traces de brûlures dans son dos, qui ne semblaient pas cicatriser complètement.

    Lucien n'avait pas essayé de regarder ce qu'il se trouvait sur son propre corps, d'une drôle de manière il n'en était pas plus curieux que cela. Son instinct l'invitait à ne pas le faire. Et comme il lui faisait confiance, il l'écoutait facilement.

    Il se sentait seul. Cela faisait trois jours qu'il se demandait si des gens le cherchaient, si on s'inquiétait pour lui, si on avait remarqué son absence. S'il avait des parents, des amis, quelqu'un de précieux dans sa vie sur qui il tomberait. Comment réagiraient-ils ? Que pourraient-ils dire ? Il ne savait pas trop quoi penser. Si eux l'aimait, il se sentirait très coupable de ne pas le leur rendre juste parce qu'il ne se rappelait d'eux, de leurs noms, de leurs souvenirs.

    Et que faisait-il dans la vie ? Lucien ne se rappelait pas non plus de son âge ! Cependant, le docteur Zliot avait estimé qu'il devait avoir dans les dix sept ou dix huit ans, qu'il avait fini ou allait finir le lycée. Auquel cas, il devrait y retourner. Le problème étant qu'il ne savait déjà pas quel était son nom de famille, alors retrouver son établissement scolaire était quasi impossible. Surtout que personne n'avait reporté la disparition d'un jeune homme lui ressemblant, de près ou de loin. Comment était-il avant ? Avait-il des gens sur qui compter ? Savait-il se faire des amis ? Comment étaient-ils ?

    Ses journées se rythmaient sur des questions qui resteraient sans réponses et dont les échos retentissaient dans sa tête vide. Une vie sans grande folie.

    Jusqu'à aujourd'hui c'était d'un ennui total. Il avait presque l'impression d'être un animal en cage. On le surveillait constamment, ne le faisait pas sortir par peur qu'il ne pète les plombs pour une quelconque raison. Il ne rencontrait personne en dehors des deux gens qui l'avaient accueilli à son réveil, et pourtant lui ne voulait qu'une chose : sortir. En observant une nouvelle ambulance, qu'il appelait cheval de métal bruyant, arrivée en bas du bâtiment, il se disait que découvrir l'extérieur ne serait pas si catastrophique. Il y pensait depuis trois jours.

    Curieux, il se leva de sa chaise pour se diriger vers la porte qui menait au dehors de sa chambre, celle qu'il n'avait pas franchie. Surprenant, cela ne lui fit trop rien lorsqu'il pointa le bout de son nez dans le couloir aux odeurs sèches et peu agréables. Il fronça le pif avant de taper un gauche droite, et de partir en direction de la lumière, sur sa droite, là où il y avait des bancs vides. Le silence régnait et la fraîcheur lui hérissait subtilement le poil. Agrippant ses coudes, il examinait les portes fermées, les chambres vides et sombres. Est-ce qu'il y avait la moindre personne dans les environs ? Il avait pourtant entendu le cheval de métal arriver, il devrait voir des personnes, non ?

Déchu  (réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant