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        Lucien restait fixé sur la fenêtre du salon, regardant le vague dehors, où le temps nuageux ne faisait pas plus rayonner son humeur. Il était fatigué de mal dormir, incapable de fermer l'oeil plus d'une heure ce week-end.

    Distrait, il observait lentement le soleil pénétrer dans sa chambre ce matin. Il s'était levé complètement zombifié, les cernes plus prononcées qu'avant, la bouche sèche et les paupières lourdes. Il aurait voulu dormir ! Malheureusement, ses blessures s'étaient manifestées. La douleur était réapparue.

    Pourtant pas appuyé contre l'étagère, ses omoplates l'avaient piqué lorsqu'il était arrivé au deuxième acte du livre. Au départ, il avait pensé que sa position en boule y était pour quelque chose. Néanmoins, malgré ses nombreux changements pour apaiser son dos, ça l'avait picoté et son teeshirt collait désagréablement dessus. Quand la douleur s'était faite plus intense, il avait demandé à Aheen s'ils pouvaient rentrer à la maison. Le neveu avait gentiment été emprunter le bouquin pour lui avant de récupérer leurs affaires et de filer. Lucien savait qu'Aheen avait vu son dos, il avait eu cette grimace qui ne trompait pas, pourtant le garçon n'avait émis aucun commentaire. Chose que Lucien avait apprécié, il n'aurait pas eu envie d'y répondre.

    Moins de dix minutes plus tard, après deux heures passées à la bibliothèque, ils étaient rentrés. Le docteur étant seul à la maison, ses amis étaient partis pour diverses raisons, ils n'avaient pas eu à déranger l'adulte dans ses conversations. Monsieur Zliot l'avait aussitôt emmené dans la salle de bain pour ausculter son dos. Désinfection par-ci, analyse par là, il était arrivé la conclusion qu'il ne comprenait pas le moins du monde comment cela s'était de nouveau déclenché. Lucien avait résumé en deux mots qu'il n'avait pas heurté son dos ni même appuyé quelque part. La raison restait donc en suspens.

    Aujourd'hui encore. Et cela travaillait l'adolescent qui contemplait les nuages avec plaisir. Il aimait les regarder.

    Jusqu'à samedi, ses blessures avaient été impeccables, presque totalement régénérées au point où, à partir de mercredi, ils avaient arrêté les bandages lourds. "Tu étais pourtant en bonne voie de guérison, je ne comprends pas", résonnait la voix de monsieur Zliot dans sa tête. Elle tournait en boucle comme un disque rayé. Parce que Lucien voulait savoir ce qu'il lui arrivait, pour aller mieux, pour s'apaiser l'esprit. Ça lui aurait permis d'éliminer une torture de sa caboche. Mais elle s'y était ajoutée et accrochée comme si toutes les autres n'étaient pas suffisantes.

    Sa douleur avait ranimé nombre de questions sans réponses. Le cherchait-on ? Le manquait-on ? Le connaissait-on ? Où était cette Maeve dont on lui avait parlé ? Est-ce qu'on l'attendait quelque part ? Ces interrogations résumaient son samedi soir, son dimanche entier ainsi que cette aube. Ils ne semblaient pas vouloir le laisser tranquille, se reposer. Il avait quelque peu dormi sur le canapé, après les soins du médecin. Allongé sur le ventre, il avait un temps soit peu réussi à trouver Morphée parmi ces ombres bavardes. Mais il n'était pas resté longtemps, on l'avait arraché à lui. Laissant Lucien avec ses douleurs et ses yeux grands ouverts.

    Dimanche, son dos avait arrêté de le picoter mais il tirait, ses omoplates lui faisaient l'effet de piqûres monstres dont il n'arrivait pas à se débarrasser, et ce malgré les différentes positions adoptées.

    Ce lundi matin, il était bien réveillé, de bonne heure, à contempler les arbres dehors, les bâtiments qui se dessinaient derrière, des passants marchant à différentes vitesses. Assis à califourchon sur une chaise du salon, les bras croisés sur le dos, le menton posé dessus, il respectait les instructions de monsieur Zliot. Ne surtout pas toucher du week-end ! Lucien était resté longtemps dans le silence et la contemplation vague. Tant qu'il avait réussi à entendre l'alarme du plus vieux de la maisonnée s'activer, le lit grincer et la porte faire de même. Il devait être six heures. Les pas sourds descendant les escaliers s'arrêtèrent au bout d'un moment, sûrement devait-il voir le jeune homme rester statique.

Déchu  (réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant