7 : #D80000

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        Mercredi, son retour au lycée. Il n'avait pas bien fermé l'œil de la nuit à cause de son excitation à sortir enfin d'une pièce isolée. Hier soir, monsieur Zliot lui a demandé comment il se sentait, si ça allait et si ce n'était pas un peu trop tôt pour lui de retourner en cours. Lucien avait caché la vérité, parce qu'après le départ de Neeve, il s'était rendu compte que les douleurs étaient revenues. Néanmoins, de manière minime. Il avait juste demandé à ce qu'on change ses pansements mais n'avait rien dit sur une potentielle gêne. Or cela s'était vu et le docteur s'était une nouvelle fois étonné que cela saigne encore. Au vu de la motivation de Lucien, il avait fini par céder et l'avait laissé aller au lycée.

    Et pourtant, en arrivant dans l'enceinte de l'établissement, il s'était senti nerveux, observé et fatigué. Les regards posés sur lui le mettaient mal-à-l'aise. Aheen l'avait informé que son départ d'il y a deux semaines n'avait échappé à personne puisque certains avaient vu son malaise et avaient colporté des rumeurs malgré eux. Il ne leur en voulait pas mais il se serait bien passé d'être dévisagé comme une bête de foire. Surtout que certains lui demandaient comme ça allait, alors qu'ils ne se connaissaient pas et qu'il ne se rappelait pas les avoir croisés. Il avait pourtant hoché la tête à chacun d'eux, plus par politesse que par envie. Ils prenaient le temps de savoir comment sa santé évoluait, ils méritaient une réponse.

    Aheen l'avait abandonné, juste avant la porte d'entrée principale, pour rejoindre ses amis plus loin dans la cour. Livré à lui-même, il s'était surpris à le suivre du regard avec une pointe d'appréhension pour la suite. Que ses craintes soient louées, Rith venait de lui courir dessus comme pour venir à sa rescousse. Il avait crié son nom comme s'ils étaient seuls et avait agrippé son cou pour ralentir sa cadence à un arrêt net. Au moins un qui dormait sur ses deux oreilles chaque nuit ! Aussi particulier soit-il, Rith avait commencé à frotter ses cheveux contre les siens en le ramenant toujours plus vers lui.

– Ce que tu m'as manqué, Lulu !; d'une voix toute excitée. J'en ai des choses à te raconter !

    Ils venaient de pénétrer dans le couloir central lorsqu'il le lâcha enfin, permettant au noiraud de souffler un bon coup avant que Rith n'ait l'idée de l'étouffer à nouveau. Enfin, son corps se reposait mais pas ses oreilles. Retrouver le garçon avait tous les aspects qu'il lui connaissait, surtout la bavardise.

    Il commença évidemment par son cher professeur de mathématiques, qu'il n'hésita pas à blâmer pour ses deux longues semaines d'exercices incessants, puis il passa sur les événements principaux des élèves, avec des noms que Lucien n'avait jamais entendu, les commérages que Rith avait aperçu, eût vent. Machin s'était rapproché de trucmuche mais ça ne plaisait pas à l'autre personne, puis il lui racontait qu'elle' avait un béguin immense sur un gars inconnu aux bataillons mais il est déjà en couple d'une relation à distance. Et patati et patata. Il déblatérait plus que les dernières fois ! Autant dire qu'il avait un bon cardio pour parler avec si peu de prises d'air.

    Arrivé devant le casier de Rith, il ne s'arrêta pas pour autant et continua son résumé presque aussi inutile que la poussière sur le sol. Lucien n'y prêtait pas vraiment attention, pourtant elle était là et atteignait forcément son corps d'un instant à l'autre.

– Non mais tu te rends compte ?; pour la cinquième fois sûrement. Comment peut-on dire ça comme ça ?

    Or Lucien ne répondit pas d'une onomatopée ni d'un hochement de tête. Non, il était distrait. Son regard avait croisé la présence de Neeve plus loin, il rangeait des livres énormes dans son compartiment, un bonnet brique posé sur son crâne qui lui donnait l'air d'un adorable champignon. Avec son coupe-vent foncé et ses lunettes aux bordures claires, il se distinguait de tous les autres dans le bâtiment. Il salua une fille qui venait lui parler. En tournant la tête vers elle, Lucien eut tout le loisir de le voir sourire. Et quelle luminosité ! Il était obnubilé.

Déchu  (réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant