– Attrape ma main !
Sa voix était étouffée par le vent et le tonnerre grondant, trop proche d'eux, leur imposant de crier s'ils parlaient. Néanmoins, il eut la vague impression qu'il lui hurlait quelque chose, il le devinait difficilement. Entre autres, il le voyait à peine aussi. L'eau s'échappant des nuages lui obstruait la vue, ses mouvements étaient presque trop paralysés pour prétendre qu'il n'avait pas peur. Quant à son cœur, il ne fit que alterner entre battre à la chamade et s'arrêter lorsque la foudre passait trop près de lui. Assourdissante et désagréable, son oreille droite sifflait en continue. Maltraités, ses cheveux lui fouettaient le front sans délicatesse, aucune. Et pour ne rien arranger, son corps ne répondait plus de grand chose.
C'était allé si vite. Et ils étaient si seuls. Pourtant ils étaient deux, et elle lui tendait la main, elle essayait tant bien que mal de se rapprocher. Les bourrasques la tenaient à cette distance fatidique qui le gardait hors de portée. Ce qui le terrifiait.
L'autre hurla de nouveau quelque chose, toutefois impossible de distinguer quoi. Il la fixait juste tel un légume, encore sous le choc et bloqué par la peur. Il avait froid, il aurait tremblé s'il avait pu à ce moment-là.
Le pire, c'était qu'il se sentait très impuissant. Il était complètement paumé alors que leur chute ne faisait qu'accroître de secondes en secondes. Il n'arrivait pas à se faire à l'idée qu'ils n'étaient plus capables de s'aider comme avant, de se sécuriser dans les pires moments, dans cet affreux moment. Il voulait crier son nom, extérioriser toute son angoisse pour l'appeler à la rescousse. Seulement, sa gorge se bloqua dans un sanglot, impossible de pleurer et sa poitrine se bloquait. Il avait cette désagréable impression que ses poumons se vidaient sans qu'il ne puisse rien y faire, que sa tête bourdonnait.
Dans un désespoir absolu, il tendît la main dans sa direction, malgré ses muscles meurtris. Il réussit presque à tendre son coude jusqu'à toucher ses doigts. Il espérait au moins se dire que c'était un mauvais rêve. Mais qu'est-ce qu'était un mauvais rêve, après tout ? Il sentait son énergie le quitter à mesure que son bras combattait l'infatigable vent, il se grandissait autant qu'il pouvait. La pression lui fit l'effet d'un coup de poing dans l'abdomen, il ne savait plus exactement depuis quand il avait arrêté de respirer.
– Attrape ma main !; répéta-t-elle.
Presque. Il la frôlait, il pouvait sentir la chaleur quitter son corps pour venir à sa rencontre, mais pas assez pour le rassurer. Une soudaine douleur lui coupa la vue, le dos hurlant, c'était sûrement la pire sensation qu'il n'ait jamais ressenti.
– Lucien !
Fût le dernier son qu'il put entendre avant de se sentir embarquer par la tempête, qui emportait avec elle sa conscience et sa peur. De quoi avait-il rêvé ? De quoi se souvenait-il vraiment de ce moment là, quand le noir avait prit le dessus ?