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        Neeve avait été convoqué par la psychologue de l'établissement pour être suivi, à sa demande. Il avait eu rendez-vous à treize heures alors il avait pris du temps pour déjeuner avec Lucien, dans un coin de la cafétéria, sous le regard sombre du neveu plus loin, qui n'avait pas touché son assiette de l'instant où ils étaient arrivés jusqu'à leur départ. Les seuls moments où Lucien s'était risqué un coup d'œil dans sa direction, dérangé de la sensation constante sur le dessus de son crâne, il avait eu l'impression que chaque fois plus la table s'affaissait sous ses poings enfoncés. Ils avaient mangé tranquillement avant de partir au premier étage, et seul étage, de l'établissement pour trouver la salle dans le fond du couloir.

    Neeve avait été nerveux mais Lucien encore plus.

    Quand la porte s'était fermée, il avait presque entendu les battements de son cœur partir avec les siens. Il était resté figé un bon moment devant le battant, comme si on lui cachait encore des choses de l'autre côté du bois et qu'il était bien impuissant. Il n'entendait rien, ils parlaient trop bas pour cela. Il allait devoir prendre son mal en patience, il avait promis de l'attendre jusqu'à la sonnerie s'il le fallait. Il avait regardé le reste du couloir sans vraiment le faire avant de s'asseoir contre le mur, à côté de la porte, il fixait celui d'en face. Il tentait de s'imaginer ce qu'il pouvait se dire à l'intérieur, à quels genres de questions il devrait répondre, ce qu'il avouerait à la psychologue. Cela lui ferait-il du bien ? Comment en ressortirait-il ? Allait-il craquer devant elle ? Il l'avait entrevue. Même si elle inspirait confiance, il espérait qu'elle le soit vraiment.

    Comme monsieur Zliot. Il avait eu confiance jusqu'à présent, néanmoins il refusait d'être honnête avec Lucien. Tant que le docteur n'admettrait rien, Lucien ne dirait rien.

    Tout autant valable pour les deux garçons qui étaient apparus dans l'angle du couloir, Rith et Aheen venaient de l'escalier. Lucien n'avait pas vu son ami depuis ce matin, lorsqu'il l'avait laissé en plan au milieu du couloir. Il l'évitait. De plus, il fréquentait Aheen, surprenant après ce qu'il avait dit. Il traînait presque le noiraud par le coude pour se cacher dans un coin sombre du corridor. Ils ne l'avaient pas vu.

– Ça suffit maintenant; râla Aheen en récupérant son bras.

– Non, toi ça suffit !

    Malgré leur voix chuchotées et la distance, Lucien comprenait chaque mot prononcé entre leurs dents serrées. Aucun des deux ne semblait réellement ravi d'être en la compagnie de l'autre.

– Tu ne te rends pas compte de tes bêtises ? J'en ai ma claque de devoir surveiller tous tes gestes pour avoir la paix.

– Oh ça va, tu en fais des caisses ! Personne ne sait.

– Tu mériterais que je t'étripe.

    Il était à deux doigts de le faire, cependant son contrôle de soi eut le dessus sur l'agacement.

– Apprends à te maîtriser, veux-tu ? Ça devient flagrant.

    Le sujet n'était pas aussi limpide pour Lucien. De quoi pouvaient-ils bien parler ? Qu'est-ce qui devenait évident ? Il fronça les sourcils.

– Tu me fatigues, Rith, à constamment être sur mes côtes pour un oui pour un non; bousculant ses épaules.

    Il avait sans doute roulé des yeux, du moins c'était ainsi que Lucien l'imaginait.

– Tu ne peux pas juste t'occuper de tes affaires et ignorer mon existence ?

– Comme si je pouvais.

    Cela ne ravissait pas le moins du monde Rith de devoir garder un œil sur le neveu, le détachement dont il faisait preuve lui rappelait son attitude de la veille face à Neeve et son deuil.

Déchu  (réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant