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        Lucien avait fait un rêve étrange. Ce fut la panique qui le réveilla. Il s'était fait agresser, crier dessus et la personne semblait familière. Et pourtant, impossible de mettre un nom ou un visage sur la responsable. Le sujet aussi manquait de clarté, la migraine qui tambourinait ses tempes, dès qu'il ouvrit les yeux, était sacrément dérangeante. Et cette douleur à la mâchoire, la peau de ses joues qui le brûlait...

    Ce n'était pas qu'un songe, quelque chose s'était produit hier.

    Il se souvenait de Neeve, de son temps passé avec lui, et de son rire. En revanche, il était incapable de mettre des événements après l'avoir quitté. Il frôla son visage de ses doigts, sentant des bandages tièdes sur ses pommettes, le froid des scotchs s'accrochant sur la pulpe de son index écorché. Oui, il y avait une grosse entaille qui le barrait, c'était pénible en le pliant.

– Regardez-moi qui se réveille de son sommeil à la Belle au bois dormant; se réjouit une voix sur sa gauche.

    Lucien releva aussitôt les yeux sur son copain de lycée, le visage à moitié caché sous une casquette et un masque posé sur son menton. Il avait une boisson de couleur sombre dans les mains et il faisait encore jour dehors. Même si la fenêtre était à l'opposé de l'arrivée de son ami. Lucien avait de suite reconnu l'endroit, les couleurs monotones et l'odeur irritante. Il était de nouveau à l'hôpital. C'est qu'il s'était passé quelque chose de grave.

– C'est qui ?; fut la première question du noiraud.

    Lucien se frotta les yeux d'agacement. Il aurait au moins espéré se réveiller dans sa chambre.

– La Belle au bois dormant ? Une princesse qui s'est piqué le bout du doigt et qui est censée dormir pour l'éternité à cause d'un maléfice.

    Rith sauta sur le lit, poussant Lucien pour s'y installer plus confortablement. Il avait replié ses jambes en tailleur en le regardant enlever la casquette et l'envoyer valser sur le siège près de la fenêtre, ainsi que son masque.

– Et elle s'est faite sauver par un prince, l'amour de sa vie; ironisa-t-il; qui lui a donné un baiser d'amour véritable.

    La pipelette avait quelque chose de différent de d'habitude, ses épaules étaient trop tendues et ses doigts subtilement trop crispés sur sa bouteille.

– Je t'aurais bien embrassé; plaisanta-t-il; mais je ne suis pas de ce bord-là. Navré pour toi, tu aurais sûrement dormi quelques années encore.

– Qu'est-ce que je fais ici ?

    Aucun élément dans la pièce n'indiquait comment il avait atterri dans le pire endroit. La chambre était propre, les rideaux légèrement tirés pour restreindre la clarté aveuglante du gris dehors, les draps étaient blancs et bien repassés. Il n'avait pas bougé dans son sommeil, dormait-il seulement ?

– Ça fait combien de temps que je suis ici ?

– Une bonne grosse journée, tu as roupillé jusque là.

    Le détachement avec lequel il répondait fit tourner la tête de Lucien. Sa voix n'allait pas avec le reste de son corps.

– Tu as été agressé par des voleurs qui voulaient ton argent; haussant les épaules. Comme tu n'avais sûrement rien sur toi, ils t'ont blessé pour te faire céder et que tu leur filent quelque chose de valeur. Ils t'ont assommés avant de te faire les poches quand la police est arrivée.

– Comment tu sais tout ça ?

– C'est moi qui ai appelé les flics; tout fier.

    Lucien le considéra un instant avant de le contredire avec toute la certitude du monde :

Déchu  (réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant