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        Le bruit creux que son corps fît contre le béton faisait froid dans le dos. Il eût du mal à se redresser, crachant du sang dans la poussière.

    Lucien n'avait pas réussi à rester la journée à la maison, à attendre monsieur Zliot et sa promesse, il était parti arpenter les rues à la recherche du garçon. Il avait visité la ville comme il ne l'avait jamais fait. Passant par ce bar dont la mobylette similaire à celle d'Aheen était entourée des autres engins à deux roues, Lucien avait aussi vérifié en coup de vent le salon d'arcade Ri trop, game in où la couleur violette ne lui plaisait toujours pas. Sans oublier la bibliothèque près du lycée : vide de sa présence.

    La nuit avait fini par tomber pendant sa recherche. Et malheureusement pour lui, il était tombé sur le sombre de ses problèmes : Aheen. Il avait renfilé son inimitable veste en cuir noire, son jean maintenant troué et le fameux sweat-shirt qui le faisait passer pour un ange. Le déchu l'avait attrapé par surprise et coincé dans une rue obscure, derrière un restaurant italien fermé pour travaux.

    Ils n'avaient pas beaucoup parlé, pour ne pas dire pas du tout. Le poing de l'immortel avait rencontré la mâchoire froide de Lucien, son genou avait eût son ventre et son coude... son nez. L'ange n'avait pas essayé de se défendre, ni de riposter, parce que son corps était encore un peu trop gelé.

    Ce ne fût que lorsque ses vêtements furent recouverts de poussière qu'Aheen lâcha ses premières paroles :

– Oh, Lucien, il n'y a pas à dire; avec un soupir de satisfaction; comme punching-ball, tu es parfait !

    Le sac de frappe en question toussa avant de s'essuyer les narines humides.

– J'ai passé une sale journée, mon petit Lulu; expliqua-t-il en s'étirant.

    Entre hier et aujourd'hui, il saturait de voir ses mains salies de son propre sang. Il déplia ses jambes et épousseta son pauvre pantalon tâché, fusillant par la suite Aheen du regard. Le lampadaire laissait la lumière tamisée épouser sa silhouette féline.

– Tu me diras; continua-t-il; tu es en partie responsable de cette frustration.

    Lucien cracha un nouveau flot de sang qui s'était un peu trop répandu dans sa bouche. Son attitude détachée n'était pas si convaincante à qui connaissait vraiment son comportement. Ses doigts étaient trop tendus, sa nuque un poil fort raide et ne parlons pas de cette intensité dans le regard, il ne trompait personne.

– Mais, il n'est jamais trop tard pour y remédier; sourit-il.

    Le noiraud épongea sa lèvre, explosée du premier coup reçu au visage. Le sang parcourait la sècheresse comme pour l'hydrater et Lucien en grimaça.

– Alors, passons accord.

    Manifestement il attendait une réponse. Coincé comme il l'était, l'ange ne fit que le toiser dans la pénombre de la pierre. Même s'il lui disait ne pas vouloir écouter son marché, il l'obligerait quand même.

– Je prends ton silence pour un oui. Donc; trompeta-t-il; je vais passer chez les Mirren juste après notre charmante entrevue. Juste deux ou trois choses à régler avec Neeve et je te demanderais gentiment de ne pas venir.

    Méfiant, Lucien sentit ses épaules se contracter et ses yeux se plisser.

– Disons que Nessa ne t'aime pas beaucoup et que tu gâcherais tout; confia-t-il de manière complice.

– Gâcher quoi ? Tes tentatives d'assassinat ?; siffla Lucien.

– Oh, non. C'est du passé, c'est derrière nous.

Déchu  (réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant