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        On chuchotait sur son passage, colportait des rumeurs qu'il ignorait. Lucien était revenu au lycée le lendemain avec un mot de Glannon qui prétextait un problème de santé. Encore un. Et il avait continué à venir le surlendemain, et le reste de la semaine.

    À chaque fin de cours, il avait eu le droit à un petit moment avec ses professeurs. À vrai dire, Lucien sentait qu'ils s'intéressaient à ses problèmes juste parce qu'il loupait des jours à répétitions. Il avait droit à des inquiétudes quant à son avenir, si cela ne serait pas mieux de faire école à la maison ou encore de rattraper sur des heures de trous pendant le reste du mois. Il avait soit refusé soit esquivé le sujet.

    Il était à jour sur les leçons, ce n'était pas un problème. Lucien avait beau ne pas avoir étudié pendant un long moment, il restait néanmoins l'un des meilleurs de sa classe. La professeure de latin s'était réjouie de son retour et lui avait même offert un petit chocolat.

    Cependant, l'absence de Rith et Aheen était flagrante. Sans Neeve, Lucien se sentait bien seul.

    Monsieur Zliot n'avait pas de nouvelles des deux déchus, ou refusait de lui en parler. Quant à l'humain, il le tenait informé sans qu'il ne demande quoi que ce soit. Lucien avait donc appris qu'il allait beaucoup mieux, qu'il était sorti il y a deux jours et qu'il reviendrait lundi. Il avait demandé à l'adulte si Lucien passerait, qu'il pensait l'avoir vu en s'endormant mais qu'il n'était pas là à son réveil. Neeve ne s'en souvenait pas et cela était très bien ainsi.

    Néanmoins, Lucien n'avait pu réprimer cette envie de s'arrêter devant son casier, de le regarder en pensant à lui. Son cadenas à code n'avait pas bougé depuis hier, en revanche depuis le retour de Lucien si. Sûrement qu'un élève avait tenté de l'ouvrir pour déposer des documents ou des devoirs. C'était une fille de la classe qui apportait le tout en fin de semaine au garçon. Il ne saurait dire son prénom, il savait juste l'information.

    Le couloir s'était vite vidé, la fin de journée ternissait le hall principal et le froid lui avait caressé les joues. Son dos ne l'incommodait plus depuis trois jours, et pourtant c'était bien le même frisson qui avait dressé les cheveux de sa nuque. Ou était-ce l'odeur ? Soufre, pourriture, poussière. Il la connaissait, il la détestait mais surtout, il la redoutait. Elle n'annonçait jamais rien de bon.

    Tendre l'oreille ne lui avait pas servi à grand-chose. Il était temporairement devenu sourd. Un ultrason lui vrillait les tympans, il ne grimaça pas pour autant.

    Alors il avait commencé à regarder autour de lui. D'abord dans le couloir sombre tout près, malgré la pénombre, même le corridor adjacent pour la cantine semblait vide. Dehors ? Rien derrière lui. Les lampadaires n'éclairaient que le sol rouge et rugueux, ainsi que les arbustes près du portail. Les pauvres oiseaux qui volaient par-dessus les nuages n'avaient rien à voir avec la menace de l'odeur.

    Ce fut donc sur sa droite qu'il trouva la chose, le monstre. En fait, Lucien n'était pas certain qu'elle l'ait vu. Elle marchait si lentement qu'il n'entendit pas le bruit de son poids, et encore moins de ses griffes sur le carrelage.

    Lucien sentit son cœur douloureusement s'arrêter. Quoiqu'elle soit, personne ne lui avait à proprement parlé de cette créature, et le livre du père de Glannon n'en faisait pas la moindre mention.

    Il sortit ses mains moites de ses poches en se reculant à pas de loup – il avait même des sueurs froides dans le bas de sa colonne et la racine des cheveux de son front.

    Malheureusement pour lui, en arrivant à l'entrée du couloir, son sac heurta la porte coupe-feu coincé au seuil. Si le hall avait été rempli d'étudiants, on ne l'aurait pas entendu. Et tandis que le bruit creux métallique résonnait sur chaque casier, il retint son souffle. Figé comme il était, il se demandait s'il allait y passer cette fois-ci. Ce n'était pas Aheen, Rith n'était pas dans les parages et personne n'était témoin de la scène pour venir à sa rescousse. Est-ce que fuir serait judicieux ? Aurait-il le temps ?

Déchu  (réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant