– Comment ça, on est qui ?
Le blond avait sauté sur ses pieds en dévisageant Lucien. La poussière s'était posée sur sa pommette ainsi que son front, et son regard brun, tirant au vert, détonnait sur le hâlé de sa peau. Ces yeux là, il ne les connaissait pas. En revanche, ceux de l'adulte grisonnant, qui s'approchait doucement comme vers un enfant perdu, lui étaient vaguement familiers.
– On a passé des jours à t'aider pour que tu nous sortes un "vous êtes qui" ?; râla le blondinet avec un rictus hilare; ce n'est pas sympa ça, Lulu.
– Lulu ?
– Non mais je rêve ?; rit-il amèrement; tu tiques sur ça, maintenant ?
Lucien avança d'un pas, pas le moins du monde amusé d'une quelconque familiarité de sa part. Au lieu de cela, il se sentit presque humilié d'être rabaissé par un surnom si personnel et enfantin.
– Ok les garçons; s'interposa l'autre; ne commençons pas.
Lucien ne s'attarda pas et tourna son attention vers lui. Lui aussi faisait preuve de proximité en posant sa main sur son bras. Il trouva cela déplacé.
– Ces derniers jours ont été éprouvants, ce n'est pas le moment de se prendre le chou.
– Eh oh, je n'ai rien fait ! Sa blague n'est même pas amusante. Arrête ça, tu veux ?
Son ton ne plaisait pas à Lucien, il plissa les yeux en hésitant entre lui casser les genoux pour lui remettre les idées en place, ou bien envoyer quelqu'un lui apprendre les bonnes manières. Les deux options étaient tentantes.
Il le fusilla du regard, son envie penchant dans un côté plus spécifique de la balance, tandis que le garçon haussait les sourcils, ainsi que les épaules, dans un geste d'incompréhension évident.
– Arrêter quoi ?
– Glannon !; se plaint aussitôt le blond; tu ne l'as quand même pas assommé au point de lui brouiller les esprits ?
Glannon, soit l'adulte s'interposant entre lui et l'enfant en face, leva la main pour lui intimer le silence.
– Ne me dis pas chut !
Le blond finit par croiser les bras sur sa poitrine avec une moue vexée. Capricieux donc. Glannon capta le regard de Lucien, émettant tous les signaux encourageants dans son attitude et le ton de sa voix.
– Lucien, mon grand, voudrais-tu bien t'asseoir un instant ?
Il le considéra puis hocha la tête, son pressentiment l'aidait même à s'exécuter sans broncher. Il s'était tranquillement posé sur un lit dur et sale, fronçant le nez subtilement quand les effluves encore environnantes du traqueur chatouillait son odorat. Ils avaient vraiment une senteur infecte.
Glannon s'était approché du blond avec beaucoup d'assurance, le prenant à part pour lui chuchoter quelque chose. Lucien ne prit pas le temps de les écouter. À un moment ou à un autre, ils finiraient pas décliner leurs identités.
L'adolescent, les cheveux en pétard, semblait prouver ses dires précédents. Son tee-shirt avait des traces de griffures plus ou moins prononcées, un pan manquait sur l'extrémité basse et même son jean ample présentait des trous inappropriés. Hanche, chevilles, haut de la cuisse, cela révélait un peu trop de peau pour être un effet de style convenable.
Neeve ne se serait jamais permis une telle chose.
Ils finirent par revenir au bout d'une minute. L'adulte avait pris un tabouret sur roulette pour s'y asseoir alors que son acolyte boudait, tenant à rester debout.