version alpha : Rejouer la scène du baiser

Prologue

– Hello everyone! Je m'appelle Eric Turner, je suis votre professeur d'anglais pour votre année de terminale !

L'homme à la canne prend une craie et trace son nom sur le tableau.

Au premier rang, deux filles, l'une blonde, l'autre brune, se jettent des regards de connivence.

– Il est trop mignon ce prof avec son petit accent !

– Carrément ! Même sa canne ça lui donne un look stylé !

M. Turner se retourne et balaie la classe de ses yeux bleus pour demander le silence.

– Je me présente rapidement, je viens tout droit de Grande-Bretagne. Je suis arrivée il y a un mois à peine. Je suis en mission spécial pour la Couronne : je dois découvrir de l'intérieur les rouages du déroulement du baccalauréat. L'objectif est d'implanter un système similaire chez nous en Grande-Bretagne. Ma dernière mission m'a laissé un souvenir... cuisant.

Il fait un signe en direction de sa jambe droite et de sa canne.

En face, les élèves le regardent bouche bée.

Un garçon aux yeux gris vert lâche :

– Sérieux ?

– Vous êtes Mister... ?

– Sean, répond le jeune homme.

– Tu l'écris S.H.A.W.N ou S.E.A.N?

– S.E.A.N !

– Irlandais ?

– À moitié. Par ma mère !

– Excellent !

Le prof poursuit :

– Mon cher Sean, j'ai dit vrai : cela fait seulement un mois que je suis arrivé en France.

– Mais vous êtes en mission spéciale ou bien...

– La réponse la plus courte serait : ou bien. La plus complète serait : je suis prof de français en Angleterre et en milieu de carrière, j'ai eu envie de tester l'inverse : prof d'anglais en France. Me voici donc devant vous ! Ma véritable mission est de vous faire passer le baccalauréat avec mention très bien. La vôtre est de me débarrasser de mon accent britannique. Même si je dois avouer qu'il est particulièrement utile pour séduire les Françaises.

Les élèves commencent à rire timidement.

– Et votre jambe alors ?

– Vous êtes un petit curieux, mon cher Sean ! Eh bien, ce n'est pas un mythe. Il y a des crottes de chien sur tous les trottoirs de France et c'est tout aussi dangereux qu'une peau de banane ! J'ai une entorse. J'aurais pu me contenter de béquille, mais, avouez que la canne est beaucoup plus classe !

Cette fois-ci, la salle de classe au grand complet explose de rire.

Pince-sans-rire, le professeur continue de marcher de long en large devant le tableau, canne à la main. Il s'immobilise un instant devant le tableau des verbes irréguliers avant de recommencer les 100 pas. Visiblement, son discours de début d'année n'est pas terminé, mais il semble chercher les bons mots :

– Well, well... Cette année sera une année... particulière pour vous !

À nouveau, M. Turner s'arrête et fait face à la classe.

– Non seulement vous terminerez vos études secondaires, mais vous participerez aussi à un projet... novateur. Une série télévisée va venir nous suivre du début de l'année jusqu'à vos résultats du baccalauréat... Soyons clairs, tout de suite : cette fois-ci, ce n'est pas une blague ! La série se concentrera sur quatre élèves venant d'une ou de plusieurs classes de terminale. Ils seront choisis par l'équipe de production dans les jours qui viennent.

Cette fois-ci, les deux filles du premier rang ne se contentent plus de glousser, mais poussent un véritable cri de ravissement ! Partout dans la classe les élèves se mettent à chuchoter avec animation. Déjà, des doigts se lèvent pour poser des questions. Le niveau sonore monte de plus en plus :

– Vas-y avoir la télé dans la classe ?

– Et on va se faire filmer tout le temps ?

– 'tin, c'est ouf, c'est comme s'il y avait en permanence une balance derrière nous qui nous poucave au prof !

M. Turner tape dans ses mains pour réclamer le silence.

À cet instant, une fille, haletante, les joues rouges, surgit dans la classe. Elle tente de reprendre son souffle pour s'excuser :

– Désolée. J'ai... j'ai eu une panne de réveil !

Elle se dirige vers un bureau vide au fond de la classe. Nerveuse, elle se tord les mains et évite soigneusement de regarder ses camarades. Pour faire cesser les regards curieux qui se posent sur elle, la jeune fille accélère le pas. Elle se prend alors les pieds dans les lanières d'un sac mal rangé. Manquant de tomber par terre, elle maintient son équilibre de justesse au bureau du garçon aux yeux gris-vert : Sean. Ce faisant, elle fait tomber la trousse de ce dernier.

La jeune fille se baisse pour ramasser la trousse, mais plusieurs stylos roulent au sol. Cette fois-ci, des petits rires se font entendre de part et d'autre de la classe. Le visage plus rouge qu'une tomate, la retardataire s'installe finalement à sa place à l'avant-dernière rangée.

Le prof la suit des yeux avec attention. Il laisse passer quelques secondes avant de demander simplement :

– Vous êtes miss... ?

– Lou-Ella. Je m'appelle Lou-Ella.