L'Angleterre

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Une fois débarqués à la gare de Waterloo, l'excitation qui était un peu retombée pendant le trajet refait surface. Pour la plupart d'entre nous, c'est la première fois qu'on découvre l'Angleterre.

Joseph discute avec animation avec Guy, l'entraineur de l'équipe. J'en profite pour faire un tout petit bisou à Sean. Notre premier en terres anglaises. Ça me donne l'impression d'avoir planté un drapeau, comme en terrain conquis.

Les formalités douanières passées, avec tout le groupe, on prend un bus direction notre auberge de jeunesse située à Rotherhithe dans le Sud Ouest de Londres. C'est là que se trouve « l'hostel » le plus proche du Stade de rugby où joueront les garçons demain : The Stoop.

À l'auberge, on est réparti par chambrée de deux, sauf moi qui ai droit à une chambre juste pour moi. C'est l'avantage d'être la seule fille du groupe.

Je passe la porte et rentre dans la pièce sombre. D'une main, je cherche l'interrupteur sur le mur. J'appuie, et une lumière crue illumine la pièce : un lit deux places, une table de chevet, et une télé. Je m'approche de la petite fenêtre, elle donne sur le réseau de tuyauterie de l'auberge de jeunesse. Le décor est un peu miteux, mais pour moi, c'est juste la plus belle chambre du monde entier ( au moins ).

Je laisse tomber ma petite valise et m'étale sur mon lit les bras en croix. Dans cette pièce, pas de caméras, pas d'espion, pas de parents. Je sens mon ventre bouillonner d'excitation et d'une furieuse envie de vivre...

TOC–TOC !

Je vais ouvrir.

– Sean !

Je suis surprise (et contente). Il est déjà habillé en tenue de sport.

– Tu veux venir avec nous ? On va faire une dernière mise en forme avant le match de demain. Tu nous accompagnes ?

J'hésite une demi-seconde. Vraiment, une demie seconde pas plus.

– OK ! J'arrive !

J'attrape mon sac à main et rejoins Sean qui me tient la porte. Il est tellement galant... j'ai l'impression que je pourrais m'habituer à être traitée comme de la sorte.

Pendant le trajet qui nous amène au stade de rugby, je regarde par la fenêtre du bus, le cœur battant. Londres se déploie devant moi. Les bâtiments anciens se mêlent aux éclats de verre des nouveaux. C'est un peu ce que je ressens à l'intérieur de moi : un mélange d'ancien et de nouveau, d'excitation et d'appréhension.

Arrivée sur place, c'est la délivrance. Je respire à plein poumon. Je crois que j'ai eu ma dose de transport.. Comme d'habitude, les garçons vont en direction des vestiaires tandis que je prends place dans les gradins. Les bancs sont légèrement humides.

Bizarrement, je suis presque contente que Joseph soit avec moi sinon, je me sentirais un peu seule. Au-dessus, le ciel londonien est gris. J'ai du mal à croire que je suis là. Enfin !

L'Angleterre a toujours exercé une fascination sur moi. Je ne saurais dire de quand ça date, mais en tout cas, c'était avant même ma découverte des Harry Potter. Souvent, j'ai demandé à ma mère d'y aller, mais elle a toujours refusé. Ensemble, on a visité l'Italie, L'Espagne, le Maroc, mais jamais l'Angleterre. Souvent je me suis demandé si elle n'avait pas eu un amour de jeunesse contrarié là-bas. Un jour, après avoir regardé ensemble Coup de foudre à Notting Hill, elle avait soupiré en disant : C'est toujours plus romantique au cinéma. Et comme j'adore me jouer des mini-films dans ma tête, mon imagination galopante s'en est donnée à cœur joie. Mais depuis peu, je sais ce qu'il en est !

– Contente d'être là, Lou-Ella ?

C'est Joseph.

Je hoche la tête.

– J'ai parlé avec Rachel. Elle m'a expliqué votre... projet.

Évidemment qu'il sait ce qui va se passer le lendemain du match. Il va m'accompagner.

Je regarde Joseph droit dans les yeux.

– Joseph, tu comprends que ma mère ne doit PAS être au courant de ce qu'on va faire après-demain.

C'est plus une affirmation qu'une question.

– Tu me mets dans une position difficile Lou-Ella.

– Si tu ne me promets pas que tu feras tout ce que tu peux pour empêcher ma mère de voir le passage de Téléréalité auquel on pense tous les deux en ce moment, je ne suivrais pas le plan de Rachel et je perds beaucoup de chance de gagner Téléréalité au Lycée. Tu sais à quel point ma mère serait heureuse si je gagne ?

Joseph soupire puis dit finalement :

– C'est bon, on trouvera une solution.

C'est à mon tour de soupirer, mais de soulagement.

Puis j'entends un sifflement strident. L'entrainement est fini.

Par habitude, je descends sur la pelouse pour rejoindre Sean. Les autres garçons de l'équipe rejoignent les vestiaires, pas Sean.

Il est étalé dans la pelouse humide, le souffle un peu court.

Je me sens bizarre de le regarder d'en haut alors qu'il a les yeux mi-clos, allongé par terre.

Il tapote l'herbe à côté de lui.

– Assieds-toi, si t'as pas peur de te mouiller les fesses.

Je hausse les épaules.

– Trop tard, les bancs étaient déjà trempés dans les gradins.

Je m'assois et il se redresse.

Le silence entre nous m'embarrasse.

D'une main, il joue avec la pelouse du terrain.

– Oh ! Un trèfle à quatre feuilles.

Il le cueille, puis l'approche de son visage pour l'observer de plus près.

– Trop de la chance ! J'ai jamais réussi à en trouver un. Faut vraiment être à moitié irlandais. En plus, c'est peut-être un bon présage pour le match de demain.

Il penche la tête vers moi :

– Ou peut-être que c'est un bon présage pour nous...

Un instant, je détourne la tête pour qu'il ne me voie pas sourire.

Puis avec stupéfaction, je le vois qui commence à arracher les feuilles du trèfle.

– Mais qu'est-ce que tu fais ?

– Je t'aime, un peu, beaucoup, passionnément. Ah merde, ça marche pas. Y a pas assez de feuilles. Je voulais faire comme avec une marguerite.

Il jette nonchalamment la tige du trèfle effeuillé.

Je ris. Mais je suis sous le charme.

L'entraineur nous appelle :

– Hé, les amoureux, on rentre au bercail !

version alpha : Rejouer la scène du baiserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant