Jeux de morpion

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Le lundi suivant, on a commencé par anglais, comme d'habitude.

En vrai, c'est plutôt cool! Je trouve que c'est une façon relax de commencer la semaine. Sauf aujourd'hui.

– Je peux pas croire que M. Turner nous aie encore donner un contrôle surprise...

J'enfonce les mains dans la poche de ma doudoune.

– Et moi je peux pas croire qu'il aie d'aussi beaux yeux bleus me répond Lina un peu rêveuse.

– Non, mais sérieusement, il abuse...

C'est la récré. On marche dans la cour, les mains dans les poches.

On est fin février et maintenant les profs ne se gênent plus pour nous rappeler l'échéance du baccalauréat.

La cloche retentit et à pas lents, on se retourne en classe. La deuxième moitié de la matinée est beaucoup moins cool. C'est mathématiques. Comme d'habitude la voix trainante de Macard agit sur moi comme un fond sonore désagréable.

Alors qu'avec Lina, on travaille avec application et sérieux à remplir notre jeu de morpion, on est interrompues par un bruit inquiétant dans notre dos. Madame Macard tourne dans la classe pour voir comment on se débrouille avec nos exercices de matrice et souffle maintenant dans notre dos comme un phoque. En vain, je tente de cacher le petit morceau de morpion sous mon cahier. Mais c'est peine perdue.

– Alors comme ça Mesdemoiselles, les matrices n'ont aucun secret pour vous et vous pouvez vous permettre de faire des petits jeux idiots plutôt que les exercices que je vous ai proposé ! Parfait ! Lou-Ella au tableau ! Vous allez résoudre pour vos petits camarades l'exercice que je vous ai demandé de faire.

Je reste interdite sur ma chaise. Je ne sais même pas quel est le numéro dudit exercice.

Quand mon cerveau devrait carburer à mille à l'heure

– Plus vite, on n'a pas que ça à faire, me presse Madame Macard avec un sourire sadique.

Comme un robot, je me lève de ma chaise. Plus je m'approche, plus je trouve le tableau noir terrifiant. Une fois devant, je reste les bras ballants.

Madame Macard a l'air de s'amuser follement continue.

– Et bien, prenez un livre Mademoiselle, à moins que vous ne sachiez aussi l'énoncé par cœur !

Je jette un regard perdu au premier rang. À toute vitesse, Sean me fait passer son propre livre de mathématiques. En regardant la page, je me sens comme un condamné à mort qui sur le chemin de la chaise électrique reçoit l'appel salvateur du sénateur qui le gracie : Sean a entouré l'exercice demandé et juste à côté, en tout petit, il a écrit toutes les réponses : Sauvée !

Tant bien que mal, je recopie les réponses sur le tableau. Sous mes doits, la craie crisse un peu. Les lettres et les chiffres que je trace ne sont pas vraiment droits, mais j'ai la main qui tremble trop.

Je finis enfin d'inscrire la dernière réponse et me retourne vers la classe, encore tremblante.

Madame Macard a perdu son visage joyeux et semble maintenant furieuse. Elle s'approche de moi. Pendantun instant, je me demande si elle va me gifler. Mais elle se contente de m'arracher le livre des mains. Elle y jette un coup d'œil, et avec une voix terrible elle demande

– Qui a prêté son livre à Lou-Ella ?

Sean lève lentement sa main.

Sans même lui jeter un coup d'œil, la vieille prof lâche un lapidaire :

– Lou-Ella, Sean deux heures de colle.


version alpha : Rejouer la scène du baiserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant