Ce samedi après-midi, je suis censée être filmée par Joseph si je sors de chez moi. Sinon, les caméras de mon appartement font l'affaire. Il faut donc faire croire que je reste enfermée dans ma chambre et sortir en évitant de croiser Joseph.
En prenant soin de mettre ma « musique de devoirs » en marche, je sors en catimini. Je marche le plus silencieusement possible jusqu'à la porte d'entrée. J'avance presque sur la pointe des pieds. Je fixe le bout du couloir, terrifiée à l'idée que ma mère se décide à passer par là juste à cet instant. Je me prends alors les pieds dans une paire de chaussures abandonnées dans l'entrée et manque de m'étaler par terre
Oh p****n de m***e.
Je m'immobilise l'oreille tendue. Ma mère toussote dans le salon, mais n'a pas l'air de m'avoir entendu.
Je suis complètement parano, c'est pas une opération commando.
Dévalant les marches quatre à quatre, je descends au sous-sol de l'immeuble où est entreposé mon vélo. Visiblement, je ne l'utilise pas assez souvent. Il a pris la poussière et le pneu arrière a l'air un peu dégonflé. Tant pis, ça fera l'affaire. Je ressors à l'air libre le vélo à la main. Pour évacuer mon stress, je pédale de toutes mes forces chez Sean.
Toutes les deux secondes, le guidon tenu à une main, je fixe mon téléphone :
1) Pour ne pas me perdre (Google Maps est mon ami)
2) Pour voir quand ma mère va se rendre compte que je suis partie.
En arrivant devant chez « mon petit ami » j'attends deux minutes pour reprendre mon souffle. Je regarde son reflet dans son smartphone. Bon, j'ai les joues rouges et les cheveux un peu en bataille, mais je ne suis pas trop moche non plus. La main un peu tremblante, j'appuie sur la sonnette.
C'est Maelys, sa petite sœur, qui vient ouvrir le portail. Leurs parents ne sont jamais là le week-end. Ils possèdent un restaurant et passent leurs samedis et dimanches là-bas.
– Salut Lou-Ella ! Viens, tu peux poser ton vélo là.
– Salut Maelys !
Je suis la petite et dépose mon vélo derrière la maison.
Puis, elle me fait entrer à l'intérieur.
Sean, il y a ta chérie qui est là, crie-t-elle à tue-tête dans l'entrée.
Machinalement, je réplique :
– Je ne suis pas la...
Sean arrive à ce moment-là, et je ne termine pas ma phrase.
Il est en train d'enfiler un hoodie par-dessus son tee-shirt. Puis, il me regarde. L'entrée de sa maison est inondée par le soleil d'hiver. Et quand Sean avance, on dirait qu'il est auréolé de lumière. Il manque plus que la musique dramatique et le bruit des vagues en fond sonore pour en faire une scène de film.
– Salut !
– 'lut »
Ma voix reste bloquée quelque part dans ma gorge.
Pour éviter qu'il y ait un moment de gêne, Sean prend tout de suite les choses en main :
– J'ai les clés ! Viens, on y va !
Par-dessus son épaule, il lance :
– Je pars une heure pas plus, pas de bêtise Maelys.
Maelys se contente d'articuler son bruit à l'adresse de son frère :
– Les zamoureux !
Sean hausse les épaules et me prend la main,
Je bugue pendant une demi-seconde :
Vrai ? Vrai ? Vrai ? Entre nous c'est vrai ?
Au moment de monter dans la voiture, il me lache. Et je suis déçue, bêtement.
Je m'installe côté conducteur avec appréhension.
J'ai l'impression qu'on est des gamins qui savent qu'ils sont sur le point de faire une grosse bêtise. Et c'est un peu le cas, d'ailleurs.
Je tente de démarrer la vieille Renault qui n'inspire pas trop confiance. Je cale deux fois avant de réussir à mettre le moteur en marche. La voiture sort en toussotant de la petite allée de gravier qui mène chez Sean.
Je suis encore plus stressée que d'habitude :
– Pardonne-moi si je te tue, je tente de plaisanter.
En suivant les indications de Sean, je passe timidement la seconde, puis la troisième, tout en allant dans des petites rues résidentielles.
De plus en plus à l'aise, j'accélère et finis même par allumer la musique. On commence à se dandiner en chantant. Ou plutôt en chantant une parole sur deux, sans même comprendre les paroles :
It's me, hi, I'm the problem, it's me (I'm the problem, it's me)
At tea time, everybody agrees
Nanana ... at the sun but never in the mirror
It must be nanana ... for the anti-hero
Sean arrête de chanter.
– Tourne à droite, il y a jamais personne dans ce parking.
Effectivement, l'endroit est désert.
– Je galère tellement avec les crénaux. Je vais m'entrainer à ça ici vu, que je peux emboutir la voiture de personne.
Un peu inquiète, j'enclenche la marche arrière.
Sean me guide :
– Braque, braque, contre-braque MAINTENANT.
Je tourne le volant à toute vitesse et miracle, je suis pile-poil au centre de la place de parking.
– Trop cool ! Attends, je recommence, mais cette fois-ci tu me dis rien, OK !
J'espère que j'ai pas trop pris la confiance, et que je vais pas me planter.
Mais non, marche arrière, je braque, je contre-braque et stop.
Je suis pas aussi bien placée que tout à l'heure, mais c'est pas mal du tout !
– Mais ça y est ! T'es trop une pro !
Et c'est à cet instant que je cale.
On éclate de rire. La musique joue toujours. On arrête de rire et on se regarde. La musique joue encore.
Nous deux, c'est pour de vrai ou pour de faux, pour de vrai ou pour de faux ? Puis une deuxième question me taraude : C'est le moment de s'embrasser ?
Sean répond à ma question secrète en s'approchant de moi.
D'abord hésitantes, nos lèvres se cherchent, s'éloignent, se rapprochent.
Puis notre baiser se fait plus fougueux, plus intense, plus sûr aussi. J'aimerais embrasser avec tout mon corps. Et en même temps, je ne sais pas trop ce que je veux.
La seule chose que je sais, c'est que je suis curieuse...
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version alpha : Rejouer la scène du baiser
Roman pour AdolescentsLou-Ella est en classe de terminale et apprend le jour de la rentrée qu'une émission de téléréalité va suivre 4 élèves de son lycée du début de l'année jusqu'aux résultats du bac. C'est un peu contre son grès qu'elle se retrouve embarquée dans l'ave...