version alpha : Rejouer la scène du baiser

C'est un départ!

Ma mère baille à s'en décrocher la mâchoire. Immédiatement, je fais de même. On a dû se lever aux aurores pour être à temps à la gare.

Ma mère se stationne, et m'aide à descendre ma valise.

– C'est super lourd Lou-Ella ! Promets-moi que tu pars juste pour un weekend à Londres, pas un Erasmus complet.

– Maman, c'est Rachel qui m'a fait emmener un million de trucs ! En vrai, j'ai pas eu le choix.

La veille, j'avais reçu un texto de ma styliste qui disait : Pour ton voyage, il faut absolument que tu emmènes la tenue 1, 4, 8, 6.

Suivi d'un deuxième : Prends aussi l'ensemble 8 et 9.

Suivi d'un troisième : J'ai t'ai déjà dit de prendre l'ensemble 8 ? Par contre laisse-tombe le 4 et prends plutôt le 5, on n'est jamais trop prudent !

Puis un livreur était venu m'apporter trois tenues de soirée sur les coups de 8 heure du soir.

J'avais suivi toutes les consignes à la lettre.

Ma mère tire ma valise et marche devant moi vite. Je sais qu'elle est inquiète. C'est la première fois que je pars en voyage sans elle, hors cadre scolaire.

Arrivées dans le hall de la gare, on n'a aucun mal à repérer le groupe de rugbyman. On ne voit qu'eux.

Ma mère va tout de suite voir Joseph, et l'entraineur de l'équipe, tandis que je vais voir Sean.

Au dernier moment quand il faut descendre sur le quai, ma mère me serre fort dans ses bras.

– Je t'aime ma grande.

Puis, elle me glisse une petite boite tupperware entre les mains.

Je la regarde surprise.

– Des madeleines maison, je les ai fait cuire hier soir tard, je n'arrivais pas à dormir.

Je refais un gros câlin à ma maman et finis par suivre le groupe. Alors que l'ascenseur nous emmène en bas, vers le quai, je lui adresse un dernier coucou. À son tour, elle agite la main, et même de loin, je peux voir ses yeux humides.

Quand elle disparaît complètement de ma vue, je me sens un peu seule, livrée à moi-même.

Quelque part, je ne pars pas en voyage, mais en mission. Je dois suivre le plan de Rachel à la lettre.

– Lou-Ella, ça va ?

Je me retourne vers Sean avec un sourire un peu forcé et je lève le pouce

– Super ! Je suis juste un peu fatiguée.

Il se met dans mon dos et m'enlace dans ses bras. Je laisse aller ma tête contre lui et pendant quelques instants, je me sens bien.

En prenant place dans l'Eurostar, la pointe de tristesse qui serrait mon cœur cède la place à l'excitation. Même dans mes rêves les plus fous, je n'aurai pu m'imaginer partir trois jours en compagnie de Sean pour aller en Angleterre.

Bon d'accord, c'est pas vraiment un voyage en amoureux. Avec nous, il y a les quatorze autres joueurs de l'équipe, les deux remplaçants et l'entraineur ainsi que Joseph chargé de me filmer (et accessoirement de me surveiller pour le compte de ma mère).

Les garçons de l'équipe sont super excités et en même temps un peu intimidés par Joseph et ses caméras. Tout le monde chahute à qui mieux mieux, et moi avec. Étrangement, je me sens super à l'aise alors que je suis la seule fille. En plus, je suis leur fan numéro 1, alors forcément, ça fait presque moi la mascotte de leur équipe. Et puis grâce à moi, ils vont passer sur France1. Sans ma présence, leur match ne pourrait jamais être autant médiatisé.

Le train n'est pas encore parti que des cartes sont sorties sur les tablettes. Mais comme personne n'est capable de se mettre d'accord sur les règles à suivre, elles finissent abandonnées dans un coin.

D'une oreille un peu distraite, j'écoute la conversation des garçons :

– Hé quand on va passer sous la mer, vous croyez qu'on va voir des méduses et des trucs chelous ?

– Mais t'es trop con toi ! T'as cru on aller passer au milieu des poissons ! Tu voulais voir Némo ou quoi !

Tout le monde éclate de rire.

Joseph rit avec les autres avec les autres, mais explique quand même à celui qui vient de se faire chambrer :

– Quand on va passer sous la Manche, on sera dans un tunnel, mais ce sera tout noir ! Il n'y a pas d'exploration des fonds marins prévue pour aujourd'hui !

Le contrôleur siffle et le train démarre.

–Let's go to London! Let's win the game ! s'écrit Arthur le plus excité de la bande.

Je souris, je me sens bien dans cette atmosphère chaleureuse, au milieu de tous ces garçons chahuteurs, avec Sean à mes côtés. Je me sens comme une reine au milieu de ses sujets...

Et comme disent les Anglais : God save the Queen! Un peu de mégalomanie, ça n'a jamais fait de mal !