version alpha : Rejouer la scène du baiser

Décalage horaire

Depuis mon retour d'Angleterre, je me suis enfermée dans ma chambre pour travailler. Pendant les vacances de Pâques, la diffusion des épisodes de Téléréalité au lycée était sur pause.

Mais hier soir, le dernier jour des vacances, j'avais fait un gros buzz sur les réseaux sociaux. Mon voyage en amoureux avec Sean, et la lettre déposée à mon père avait fait leur petit effet. Joseph avait même joué le jeu jusqu'au bout. C'est lui qui avait convaincu ma mère qu'il y avait une fuite d'eau dans la cuisine avec le lave-vaisselle au moment critique de mon ''pèlerinage familial''.

Mais je n'ai même pas l'occasion de me réjouir de tout cet affolement médiatique.

Ce matin, jour de rentrée des classes, M. Turner nous assomme avec une nouvelle catastrophique :

– Il ne vous reste plus que six semaines avant de passer votre première épreuve !

Des exclamations fusent de toute part.

– Mais Monsieur, ça se pas !

– Allez, vas-y, de toutes façons, moi je l'aurai pas !

Je reste muette, mais je sens mon ventre se nouer. Six semaines. Six semaines pour rattraper tout le retard accumulé depuis ma première année de primaire. J'en ai des heures de révisions devant moi !

– Well, je vous propose de commencer tout de suite avec un sujet type.

Il me donne un tas de feuilles polycopiées. J'en prends une et fais passer.

Je jette un regard incertain à la liste de question. Si seulement ces trois jours en Angleterre avaient pu être un peu bénéfiques !

En sortant de cours, Lina grimace :

– On a presque plus de devoirs, mais on a tellement de révision que je ne sais pas ce qui est le mieux, franchement ! Encore six semaines ! C'est si lonnnng et si couuuurt !

Je ne dis rien. Le simple fait de penser à la montagne de révisions qui m'attend me donne le vertige. Six semaines. Je me répète intérieurement le chiffre comme pour me protéger.

Voyant que je ne dis rien, Lina enchaine sur un autre sujet :

– Bon et si tu me racontais l'Angleterre !

Je me sens rougir subitement. Puis avec un sourire je chuchote presque :

– Je crois que je suis tombée amoureuse de lui !

– De Sean ? Mais, je croyais que tu étais déjà amoureuse !

C'est à cet instant, que Sirius passe devant nous. Je le suis du regard. Celui-ci nous dépasse avant de faire brusquement volte-face avec un grand sourire :

– En profite pas pour mater mes fesses !

Je n'ai pas le temps de réagir que Lina est déjà sur l'affaire :

– Ça risque pas, y a rien à voir, mec !

Sirius a l'air de s'amuser, il lui fait un clin d'œil et s'en va vers Julie.

Celle-ci semble l'attendre de pied ferme devant la salle de cours. Il lui chuchote quelque chose à l'oreille. Elle acquiesce de la tête. Sérieuse, préoccupée, presque !

C'est au tour de Sean de sortir de la salle de classe. Il y a un instant de flottement entre nous que je ne comprends pas. Que je n'aime pas. Puis Sean passe son chemin sans calculer Sirius.

Je prends Lina par le bras pour nous en aller.

– Sirius est louuuurd, dit Lina en enroulant une mèche de cheveux autour de ses doigts.

– Pourquoi tu lui as sauté à la gorge comme ça aussi ?

– Heiiiiiin !? C'est MOI qui lui ai sauté à la gorge !?

Avec un peu de mauvaise foi, je réponds :

– Tu vois bien, t'es énervée pour aucune raison.

– Je... moi je suis énervée pour aucune raison ? Mais ma parole, t'es grave toi !

Cette fois-ci, Lina est franchement indignée.

Et moi, très mal à l'aise. Mais en même temps, une fierté mal placée m'empêche de m'excuser immédiatement.

Pendant ce temps, mon amie s'échauffe. Et Lina, toujours prompte à rire, toujours prête à faire baisser la tension et à jouer le clown de service à l'air maintenant franchement en colère. Ses joues ont rougies et ses yeux brillants lancent des éclairs.

Finalement, dans une sorte de sifflement ininterrompu, elle me lâche tout ce qu'elle a sur le cœur.

– Franchement ma pauvre tu me fais vraiment de la peine ! JE TE défends et c'est comme ça que tu vois les choses ? Sirius se moque de toi, mais alors là pas de problèèème ! C'est normal ! T'es complètement à l'ouest quand il s'agit de lui.

Elle s'arrête deux secondes pour reprendre sa respiration.

J'espère qu'elle en a fini, mais elle reprend :

– Ça fait des mois que tu sors avec Sean, il est gentil, attentionné, et tout, et on dirait que toi, tu t'en fous un peu. Puis là, je sais pas ce qui s'est passé en Angleterre et tu finis par me dire que t'es ENFIN amoureuse. Pas trop tôt pour quelqu'un qui est censé être sa petite amie depuis un bout de temps ! Mais il suffit que Sirius passe devant toi, se moque, et là t'es juste capable de le regarder avec des yeux de merlans frits.

J'ai envie de me boucher les oreilles ou de partir en courant au choix. Mais Lina continue implacable :

– Mais surtout, ce que j'arrive pas à comprendre, c'est que t'es une fille intelligente et t'arrives même pas à voir qu'il joue avec toi comme un chat avec une petite souris. Sauf que toi t'as l'air d'être une souris qui a envie de se faire manger... toute crue.

La cloche signalant la fin de la récréation sonne et Lina s'en va en me laissant plantée là.