À la fin de journée, je rentre à la maison à pied. Quand je dis la maison, c'est un bien grand mot. C'est un T4, très cosy, mais loin d'une villa de luxe. Je fais le bilan de ma journée. Point positif Lina est dans ma classe. Point négatif: mon entrée fracassante dans la classe. Point qui est plus ou moins positif (ça va dépendre de ma capacité à gérer ma maladresse légendaire): Sean est dans ma classe.
Comme d'habitude, en ouvrant la porte, je crie:
-Maman! Mamannnnnn!
Personne ne me répond.
Je longe le couloir qui mène au salon. Partout sur les murs des photos de moi à tout âge. J'entre dans la pièce sans jeter un regard aux dizaines d'appareils photo qui ornent la bibliothèque et les étagères du salon. Ma mère les collectionne, et depuis que je suis toute petite j'ai pris l'habitude de vivre sous leur objectif Jee sens même protégée en leur présence.
Dans un coin de la pièce, au-dessus d'un petit bureau, je vois ma mère, Hélène.
Je la regarde un instant alors qu'elle est en train de marmonner au-dessus d'un chiffrier Excel. Ses cheveux blonds foncés sont coiffés en chignon et retenus par un stylo bic. Elle a les sourcils froncés et on dirait qu'elle est sur le point de bouffer les papiers devant elle.
Avant, maman était photographe-reporter. Quand mon père nous a quittés, ou a disparu –l'histoire qu'on m'a racontée n'a jamais été très claire-, maman a abandonné les grands reportages pour travailler dans une boutique photo. Dire « cheese » toute la journée a des classes de gamins mal élevés, ou prendre les photos d'identité pour des passeports était moins passionnant. Mais au moins, elle n'était pas obligée de laisser me laisser toute seule.
Depuis que j'ai fêté mon quinzième anniversaire, maman a décidé de travailler à son compte. Elle espérait reprendre sa carrière comme photographe indépendante. Mais pour l'instant, ça n'a pas l'air de super bien marcher...
Sans un mot, je tourne les talons et vais dans ma chambre. Le sentiment de légèreté qui m'emplissait la poitrine a disparu. Je m'assois sur mon petit lit, les genoux ramenés contre la poitrine, comme pour me protéger. Devant moi, un mur accent vert pomme et un couvre-lit identique. J'ai fait ce choix de déco à douze ans et j'avoue que je commence à le regretter un peu. Il ne fait pas froid, pourtant, je frissonne un peu.
J'entends un petit toc-toc familier.
Ma mère pousse la porte de la chambre et entre, un sourire plaqué sur les lèvres.
-Désolée, je ne t'ai pas entendue arriver ! Alors cette rentrée, ma chérie?
-Je change de position et m'assieds en tailleur :
-Hum, j'ai fait le bilan de la journée en rentrant et je n'ai pas réussi à déterminer si c'était positif ou négatif! Tu vas peut-être pouvoir m'aider:
-Je suis arrivée en retard et j'ai failli m'étaler devant toute la classe. Mais Lina est dans ma classe et mon prof d'anglais qui est mon prof principal à l'air vraiment cool.
J'omets volontairement de parler de Sean. J'aime beaucoup parler avec ma mère, mais il m'arrive quand même d'oublier certains détails: par exemple, des yeux verts-gris qui me troublent un peu trop... ou bien une mauvaise note en maths.
Mais, on reste quand même super complice.
Ma mère s'assoit à côté de moi.
-On va dire que le bilan est positif. Si tu t'étais étalé par terre, là j'aurais sérieusement compati, mais là tu es passée pour une victime, mais juste à moitié. Donc c'est bon!
Je prends mon polochon et lui donne un coup de coussin.
-Victime toi-même!
Ma mère rit et prend à son tour un oreiller.
Pour échapper aux représailles, je bondis hors de mon lit pour me réfugier dans la cuisine. Mais c'est peine perdue, l'oreiller atterrit pile entre mes deux jambes. Je bats désespérément des bras, mais cette fois-ci, je tombe pour de bon.
Ma mère qui maintenant rie franchement se pose devant et moi et me tends une main pour m'aider à me relever.
-Ma vengeance sera terrible!
-Pas autant que la mienne si tu ne m'aides pas à mettre la table.
Et elle s'apprête à passer la porte, je la rappelle :
-Attends, j'ai un truc à faire signer j'ai failli oublier!
Je sors de mon sac la feuille que m'a donné Mélanie Ganche, la productrice.
Ma mère y jette un regard rapide. Elle prend le stylo qui retenait ses cheveux puis signe d'un geste désinvolte :
-Après tout, pourquoi pas! Ça pourrait me faire de la pub. Et elle éclate d'un grand rire ravageur.
Ma mère a la classe.
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version alpha : Rejouer la scène du baiser
Roman pour AdolescentsLou-Ella est en classe de terminale et apprend le jour de la rentrée qu'une émission de téléréalité va suivre 4 élèves de son lycée du début de l'année jusqu'aux résultats du bac. C'est un peu contre son grès qu'elle se retrouve embarquée dans l'ave...