L'anti-hôte [Partie 3]

Nouvelle alliance (1)

Steve Blake était immobile, caché au coin d'une rue, il guettait l'entrée d'une maison quelques mètres devant lui, le corps tapit dans l'ombre. Il pouvait aller toquer, il pouvait tenter d'entrer par effraction. Normalement ce gros balourd de Richard n'était pas chez lui à cette heure de la journée. Il préféra s'en assurer en allumant son téléphone. 

Tant pis si cela paraissait louche. 

- Allô Blake ? 

- Bonjour lieutenant. 

La voix de l'homme à l'autre bout du fil tremblait. Il n'était pas serein, il trépignait, cela se ressentait trop bien. Steve avait l'habitude de le voir dans tous ses états lorsque Domoto ne passait pas très loin.

- Un problème agent ? 

- Rien de grave, je voulais savoir si vous étiez disponible aujourd'hui pour me recevoir. 

Le jeune policier passa une main dans ses cheveux blonds plaqués sur les côtés de son crâne. Richard n'était pas chez lui, il en était à présent quasiment certain. Restait plus qu'à noyer le poisson. 

- Non, je ne suis pas disponible aujourd'hui, pourquoi vous vouliez pass...

Richard fut interrompu dans sa phrase par un bruit que Steve ne sut reconnaitre. On aurait dit un cri, mais son imagination lui jouait des tours. 

- Tout va bien ? s'enquit-il tout de même.

Il cligna des paupières, la chaleur de la journée était particulièrement étouffante et dans cette rue étroite il sentait les gouttes de sueur perler dans son dos et sur ses cils blonds. Il était presque certain de ne pas avoir halluciné. Mais le lieutenant était certainement au bureau, si quelque chose d'inhabituel avait lieu il serait tenu au courant. Cependant, Richard ne trouva rien de mieux que nier : 

- Oui, tout va bien, ce n'est rien. 

Cela rendait l'affaire encore plus suspecte. 

Ce ne sont pas mes affaires, se convainct-il. Surtout au vu de ce qu'il s'apprêtait à faire.

- Je prendrai rendez vous avez vous un autre jour, désolé de vous avoir dérangé.

Il s'empressa de raccrocher, préférant oublier ce cri qui semblait appeler son nom. 

Le président lui avait confié une tâche, il se devait de la mener à bien sans se laisser distraire. Lorsqu'il lui avait proposé de faire quelque chose d'un peu moins conventionnel que d'habitude, il avait tout de suite pensé à Torielle. Disparue depuis des jours, recherchée activement par Domoto qui ne le cachait pas, elle était devenue le sujet de discussion dans tous les couloirs du Service de Protection. Steve serra les poings. S'il avait eu le cran de lui faire son affaire le jour de l'enterrement, au lieu de se laisser berner par ses belles paroles, il l'aurait eue sa promotion. Torielle serait déjà oubliée et il serait devenu le nouveau favori du président. 

Le policier contempla le creux de ses mains. Mais à quoi bon servait la promotion à présent ? A quoi bon tout ça ? Il était encore allé déposer des fleurs sur la tombe ce matin, remplaçant celles de la veille. 

Il écrasa son poing sur le mur, essayant tant bien que mal de retenir son geste. Ses phalanges saignèrent, il sentit la douleur irradier son bras, mais en dépliant sa main il se rendit compte qu'il n'avait rien de cassé. 

Domoto lui avait donné une mission, il devait se concentrer là dessus. Le lieutenant Richard trempait dans des affaires louches selon ses dires, et il devait aller fouiner un peu son bureau personnel. Rien de plus simple. Il entrait, il trouvait des preuves compromettantes même s'il n'avait aucune idée de ce qu'il recherchait concrètement, puis il ressortait, Domoto le félicitait, et Richard leur fichait enfin la paix, enfermé parmi les opposants et les criminels.