L'anti-hôte [Partie 3]

Etre à la hauteur

Bellamy essayait de tirer sur ses liens mais ne parvenait qu'à resserrer d'avantage les câbles raides autour de ses poignets. La sensation du caoutchouc qui écrasait ses os et tirait sur sa peau lui arracha un grognement. Il laissa finalement retomber sa tête en arrière contre le bureau en verre dans un soupir. 

Athéna était avachie de l'autre côté de la table, les mains également attachées au pied du bureau dans une position très inconfortable. Elle ne s'était toujours pas réveillée. 

Bellamy se frappa l'arrière du crâne contre le bureau dans un mouvement régulier, sans s'infliger de fortes douleurs. Juste de quoi le stimuler pour réfléchir un peu. 

"Je savais que nous n'aurions pas dû lui faire confiance..." ruminait-il à défaut de trouver une solution. 

"Torielle et Pourpre ont mal agi, je te l'accorde, mais leurs intentions sont nobles".

"Elles vont tuer Athéna !" s'emporta le jeune homme contre son hôte.

"Bellamy..." commença Cyan et le jeune homme sut qu'il n'allait pas aimer ce qu'il allait entendre. "Il faut que vous détruisiez le Coeur, absolument, c'est la seule solution. Tu vois bien déjà les dégâts qu'il a causé, et ce qu'il inflige à ton amie. Si elle le garde avec elle, cela finira par la tuer aussi". 

Bellamy tourna la tête vers Athéna, le menton tremblant.

Dans tous les cas, l'issue était la même... 

C'est alors qu'il la vit bouger, la poitrine gonflée, il s'attendit à la voir se réveiller, mais elle se mit simplement à gémir, les yeux toujours clos. 

- Athéna ! Athéna qu'est ce qu'il se passe ? 

Il se remit à tirer sur ses liens, sans penser à la douleur cette fois ci. Athéna continuait de geindre dans son sommeil et à se tordre de douleur. Bellamy serra les dents et grogna face à son impuissance. 

"Laisse moi essayer", lui proposa alors Cyan dans la précipitation. 

Bellamy se retrouva projeté à l'intérieur de sa tête, une sensation qu'il n'avait pas ressentie depuis longtemps. La dernière fois remontait au jour où il avait embrassé Athéna. Et il s'était détesté d'avoir accepté cela. Car il avait apprécié ce moment partagé indirectement avec sa meilleure amie. Mais il s'était senti terriblement coupable. Terriblement. Coupable envers Alyzée, traitre envers Athéna. Il se détestait. 

Cyan se débattait avec son corps pour essayer de desserrer astucieusement ses liens comme on avait dû lui apprendre sur le Nuage. Pendant ce temps, Bellamy avait le regard rivé sur les images que lui renvoyaient ses yeux. Le corps d'Athéna se mettait à briller d'un éclat bleu pâle. Plus la lumière s'intensifiait, plus elle hurlait de douleur, son petit corps enroulé autour du pied de cette foutue table. 

- Qu'est ce qui lui arrive ? s'exclama Bellamy dans son esprit. 

La voix de Cyan oui répondit au loin : 

- Le Coeur est en train de la dévorer de l'intérieur.

- Pourquoi maintenant ? 

- Parce qu'elle lui a laissé la possibilité de l'atteindre. 

Bellamy serra les dents. 

Athéna, pourquoi as-tu fait ça ? 

Elle devait être seule, perdue, désespérée. Ce poids sur ses épaules était bien trop lourd à porter. Personne n'avait su reconnaitre sa vraie valeur, elle n'existait qu'à travers son hôte et son pouvoir. Elle s'était sentie délaissée, personne n'écoutait sa douleur. Elle s'en était remise aux mauvaises personnes qui avaient fait  mine de l'écouter pour mieux la manipuler. Domoto et son fils avaient causé sa perte en la désespérant au point qu'elle se laisse disparaitre pour faire survivre le Coeur à l'intérieur d'elle. Avec l'espoir qu'une partie d'elle subsisterait, et qu'elle n'aurait plus qu'à se laisser vivre et profiter de la puissance que lui apporterait le Coeur. Ou alors avait-elle tout abandonné par désespoir. Car le garçon qu'elle aimait ne voulait pas d'elle, car encore une fois elle était effacée au sein d'un groupe qu'elle considérait aussi comme sa famille. Et qu'elle avait peur d'échouer, et de causer une nouvelle fois la perte de sa famille. 

Bellamy serra les poings au moment ou Cyan lui rendait son corps, victorieux. Il massa à peine ses poignets endolori et plongea sur Athéna pour lui défaire ses propres liens. 

- Bats-toi Athéna, je sais que tu en es capable. 

La lumière devenait plus forte, elle l'aveuglait. Les câbles étaient trop serrés, il avait les doigts qui tremblaient.

- Tu as toujours compté comme membre à part entière de notre groupe, nous étions une famille soudée, et nous le resterons pour toujours. 

Les liens étaient défaits, le contact avec son corps brûla les bras et le torse de Bellamy et pourtant il la tint serrée contre lui. 

- Nous t'aimons tous Athéna...je t'aime Athéna.

Les larmes se mirent à rouler sur ses joues. 

- Je ne veux pas te perdre, alors tiens bond je t'en supplie. 

La lumière se mettait à faiblir, mais son corps brûlant causait des douleurs insoutenable à Bellamy. Mais il refusait de la laisser. 

- Reviens parmi nous. 

Il ferma les yeux, la douleur lui causant des nausées, mais soudain tout s'éteignit, et il sentit des bras remonter le long de son dos. 

- Bellamy...

Il la serra encore plus fort contre lui et étouffa ses pleurs dans son cou, le nez enfoncé dans sa chevelure dense. Il sentait son épaule à lui aussi s'humidifier et s'écarta pour sécher les larmes de son amie en passant ses doigts sur ses joues. 

- Je suis désolée, explosa-t-elle d'une voix faible. 

Ses joues continuaient de s'inonder de larmes. Bellamy inspira et posa son front contre le sien. 

- Non, c'est moi qui suis désolé. Désolé pour tout. 

Il avait gardé ses mains encadrant ses joues, et sentit encore les sanglots faire trembler son corps pendant quelques minutes. 

- Qu'est ce que tu veux faire ? chuchota alors le jeune homme.

- Aller au bout de ce qu'on a commencé, lui répondit son amie. 

- Tu es sûre ? 

Athéna décolla son front du sien. Malgré ses joues creuses, ses yeux injectés de sang et son teint gris, son regard était déterminé. Il brillait d'une lueur différente. Celle d'une fille libérée des entraves qu'elle gardait depuis des mois. Depuis l'accident de Benjamin. Il avait l'impression de retrouver la jeune fille qui le défendait dans la cour de récréation, qui le contaminait chaque jour de sa bonne humeur, qui n'avait pas peur de dire ce qu'elle pensait, de défendre ses convictions. Une fille qui savait vers où elle allait sans hésiter. 

C'était cette Athéna là qu'il retrouvait. 

- Allons détruire le Coeur.