Là où tout a basculé (2)

18 3 16
                                    

Torielle se tenait nue devant le grand miroir de son armoire coulissante. Le mal de crâne était passé, mais ce n'était rien comparé à ce qu'elle ressentait en ce moment même. L'après midi touchait à sa fin, elle s'était enfin réveillée nue dans son lit, avec des difficultés à respirer et un mal de ventre terrible. Elle avait eu le malheur de s'attarder devant son reflet.

Elle avait des traces violettes et bleues sur le cou, des marques de morsure sur la peau. Il y avait même du sang écaillé sur ses seins. La douleur au niveau de son bassin se réveilla. En baissant les yeux, elle remarqua la coulée de sang qui descendait le long de sa jambe. Un violent tremblement lui secoua les membres et elle tomba à genoux sur le carrelage froid de son appartement. Le soleil déclinait à travers les vitres, les verres de café et de jus d'orange tronaient encore sur la table, brillant sous la lumière orangée. Mais elle avait froid. Elle tremblait sans pouvoir s'arrêter et ne trouva même pas la force d'effleurer son corps meurtri avec ses doigts.

Sa respiration s'emballa elle aussi et des sanglots moururent au fond de sa gorge. Elle prit une grande inspiration, mais l'odeur du sang lui donna la nausée. Elle se précipita aux toilettes et vomit pendant de longues minutes sans pouvoir s'arrêter.

Épuisée, la tête appuyée contre le mur de la pièce exiguë, le sang coulant toujours entre ses jambes, elle ferma les yeux avec un affreux goût de bile amère dans la bouche.

Lorsqu'elle eut de nouveau la force de se traîner jusqu'à son lit, elle essaya de mettre la main sur son téléphone. Elle devait appeler quelqu'un. Elle ne savait pas quoi faire. Elle ne voulait pas rester seule. Dans ces moments là elle aurait directement pensé à appeler Matthieu.

Elle pensa à sa tante mais repoussa cette idée. Elles n'avaient jamais été proches et Torielle avait tenté de couper les liens pour de bon. Elle voulait appeler sa mère. Elle voulait sa maman auprès d'elle. Elle aurait voulu qu'elle ne l'abandonne jamais.

- Maman...gémit-elle en se recroquevillant sur elle même sur le sol, adossée à son lit défait.

Angelina ne répondit pas. Elle devait dormir encore elle aussi. Agatha décrocha au bout de quelques secondes de sonnerie.

- Torielle ?

Elle essaya de parler mais les mots restèrent bloqués au fond de sa gorge.

- Agatha...

Sa voix était tellement enrouée qu'elle avait du mal à parler. Les mots ne sortaient qu'avec des sons rauques, même en forçant sur ses cordes vocales elle n'y arrivait pas.

- J'ai besoin de toi, réussit-elle à articuler.

La réponse mit quelques secondes à lui parvenir.

- Ah ouais maintenant que Matthieu est parti tu cherches du soutien auprès de nous.

La voix à l'autre bout du fil était cinglante. Torielle cligna des paupières sentant quelques larmes lui rouler sur les joues.

- Quoi ?

- Je te pensais vraiment pas comme ça Torielle, c'est pas cool de ta part. Lui il t'aime vraiment et toi tu te sers de lui dans son dos.

Torielle manqua de lâcher le téléphone qu'elle avait contre son oreille. Son menton trembla, elle ne savait plus comment aligner pensées et paroles.

- Mais bon tu voulais quoi ?

Torielle fit lentement descendre le bras qui tenait son téléphone. Elle entendit encore la voix étouffée d'Agatha lui demander :

- Allô ?

Puis Torielle raccrocha. Le soir même, elle craqua sur sa première bouteille d'alcool et la bu jusqu'à la dernière goutte.

L'anti-hôte [Partie 3]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant