Etre à la hauteur

12 2 31
                                    

Je voulais tout régler moi même. N'impliquer personne d'autre. Je pensais avoir confiance, être à la hauteur. Alors qu'en fait je n'avais plus rien. J'étais affaiblie, ils m'avaient à leur merci, tous. Alors que je pensais pouvoir les dominer, je m'étais bien faite avoir. 

Nathaniel, qui m'avait rendue dépendante au pouvoir. Le Coeur qui en avait profité pour me manipuler. Moi la pauvre petite commerçante, la pauvre petite fille délaissée par ses parents, la pauvre grande sœur coupable du coma de son frère, la pauvre idiote qui avait réussi à passer en deuxième position dans le coeur de Bellamy. J'avais envie de plus que ça. Je voulais dépasser ma condition, ne plus vivre au travers des autres. Je voulais devenir quelqu'un de respecté, quelqu'un de craint aussi. Comme lui, comme Domoto. Que rien ne me résiste, que tout ne soit plus que futilité. Que toutes mes peines deviennent insignifiantes, que j'oublie tout, pour me forger quelque chose de nouveau. 

Alors oui j'avais tout oublié. Je m'étais oubliée moi même. Simple pantin de mon destin, je m'étais abandonnée au bras du Coeur. Il avait gagné, je ne voulais plus me battre. J'avais enfermé Lara dans un coin de ma tête. Le Coeur la maitrisait, il me contrôlait, plus rien ne pouvait me sauver. 

Alors j'avais lâché prise. Mes genoux s'étaient dérobés, et mon esprit s'était envolé pour laisser tout le loisir au Coeur de venir s'implanter au plus profond de mon être. Il s'était immiscé dans les rouages de mon cerveau, infiltré mes neurones, paralysé mes os, gagné mes muscles, emprisonné mon cœur.  

Mais il avait failli tuer Bellamy. Je ne pouvais pas le laisser faire. A présent, je ne savais plus où j'étais. A la frontière de mon corps et de mon esprit, entre la vie et l'inconscience. Je flottais, il fallait que j'ouvre les yeux. Quelqu'un était là, un intrus ? 

- Alors tu as fini par y succomber. 

Elvis me faisait face, dans cet espace sombre et immatériel qui lui donnait cette aura toujours si impressionnante. Je ne sentais presque plus mon corps. Je ne savais pas quand est ce que j'avais ouvert les yeux, mais ils étaient bel et biens ouverts. Mes membres étaient engourdis, mes jambes, raides comme des piquets, soutenaient mon corps si léger qu'il semblait composé entièrement d'air.  

- Regarde toi, tu comptes vraiment me combattre dans cet état ? ironisa-t-il en croisant les bras, et les manches de son costume gris remontèrent. 

Je ne pouvais même pas lui répondre qu'il ne perdait rien pour attendre car je n'étais même plus sure d'aller au bout de mes convictions.

- Vous direz à votre fils que son petit manège a bien fonctionné.

Même ma voix n'était plus que le souffle d'une agonisante qui avouait ses méfaits. Elvis sourit et les rides de ses joues se creusèrent : 

- Sacré Nathaniel, je ne savais pas que vous étiez si proche tous les deux. 

J'arquai un sourcil, lasse : 

- Il faisait cela pour vous pourtant. 

Le président secoua la tête, sans perdre son sourire, puis son regard flamboyant se planta dans le mien.

- Non, je n'étais pas au courant de vos petites manigances. 

Tout se confondait dans ma tête.

- Je croyais que vous travailliez ensemble. 

Le cinquantenaire haussa les épaules, visiblement peu perturbé : 

- Nathaniel était trop intelligent pour ne pas avoir des ambitions aussi grandes que les miennes. C'est de ma faute, c'est moi qui l'ait élevé après tout. 

- Qu'est ce que vous voulez dire ? 

- C'est évident non ? Même mon propre fils veut me destituer. 

L'anti-hôte [Partie 3]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant