Un dernier regard (2)

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Tout se déroula bien trop vite pour que Torielle ait le temps d'analyser toute la situation. Elle entendit Maïsie crier d'un côté, Stéphane trébucha, puis se recula précipitamment du bord du précipice, et Matthieu gémit de douleur. 

Elle se détourna de Steve qui venait de frapper violemment Matthieu par derrière, pour voir le médecin fondre de nouveau sur elle. 

- Stéphane ! 

Elle lui saisit fébrilement les mains, de peur qu'il ne disparaisse pour de bon, et se retourna vers les nouveaux arrivants lorsque Bellamy hurla : 

- Steve ! Attention ! 

Matthieu, plié en deux sous l'effet de la douleur, venait de se redresser et fendit l'air avec sa main qui tenait fermement son couteau. Steve l'esquiva de peu et la lame frôla son torse penché vers l'arrière. Torielle remarqua quelques pas derrière eux, Judith en train d'essayer de dissuader Athéna de tenter quoi que ce soit avec ses pouvoirs. Steve recula de deux pas, et Matthieu s'approcha, menaçant. Torielle serra les mains de Stéphane dans les siennes, et Maïsie, enfin libre, courut se réfugier dans les bras les plus proches, ceux de Bellamy. 

Dans un cri de rage, Matthieu renouvela son attaque, mais Torielle savait que Steve avait largement les capacités de se défendre, même sans couteau en main. D'un geste adroit, le grand policier abattit sa main sur le bras tendu de Matthieu, lui fit lâcher son arme, et le repoussa en arrière d'un coup de pied dans l'estomac. L'homme perdit l'équilibre et s'écroula en arrière quelques mètres plus loin, la tête presque au niveau de la falaise. Il se redressa, non sans mal, prêt à en découdre, même face au grand jeune homme. 

- Je vous ferai la peau ! A tous ! s'égosilla-t-il. 

Il fondit de nouveau sur Steve. Il reçut le poing du policier en pleine tempe, tituba, chercha son équilibre, les pieds frôlant le précipice. Après une dernière hésitation, Steve lui donna le coup de grâce. 

Torielle vit le corps de Matthieu basculer lentement, très lentement vers l'arrière. Si lentement qu'elle aperçut une dernière fois son regard sur elle. Il chutait, il avait l'air surpris, mais aussi horrifié, triste, même nostalgique. Ce furent toutes ces émotions que la jeune femme eut le temps de lire sur son visage avant que son corps entier ne disparaisse de sa vue. Les sons disparurent, les images aussi. Stéphane venait de l'enfermer dans ses bras, emprisonnant son visage contre son torse, protégeant ses yeux et couvrant ses oreilles avec ses mains. Elle n'entendit rien. Pas même les cris de Matthieu, pas même le brisement de ses os en bas de la falaise. 

Elle l'imagina chuter seulement. Comme une goutte d'eau qui tombait du ciel et rejoignait l'océan, et s'écrasait silencieusement sur les rochers. C'était un bout de sa vie qui chutait de cette falaise. Son grand amour, son plus grand cauchemar. Celui qui l'avait protégée, détruite, puis forgée. Celui qu'elle avait toujours peur d'approcher, celui qu'elle n'avait jamais osé blesser, tuer même. Et elle ne l'aurait jamais fait si Steve n'avait pas été là. Elle ne savait pas si elle devait le remercier ou lui en vouloir d'avoir fait ça pour elle. Torielle n'avait jamais voulu la mort de Matthieu. Elle détestait Domoto d'avoir tué ses proches, sa famille, ses amis. Mais sa haine envers Matthieu avait toujours été d'une autre nature, parce qu'elle l'avait aimée. Mais le voir ainsi menacer de nouveau ses proches...Oui si elle avait eu son pistolet, elle aurait pu essayer de le tuer. Elle y aurait songé, mais elle ne l'aurait pas fait. Et peut être que Stéphane ou Maïsie auraient payé le prix de sa lâcheté. Et ça, elle ne se le serait jamais pardonné. 

Lorsque Stéphane la libéra, elle était à bout de souffle. Des tâches sur la rétine, des larmes plein les joues, elle se rendit alors compte qu'ils étaient tous les deux tombés à genoux. 

L'anti-hôte [Partie 3]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant