CHAPITRE 28

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Elaïa

Shadow Preachers — Zella Dey

2 h 35, Avenue de la Californie, Nice,

Un électrochoc brutal me ramène à la réalité. Je halète, mon cœur cherchant un moyen de quitter ma poitrine tant il s'excite de terreur. J'essuie d'un revers de main tremblant la sueur dégoulinante de mon front. Deux de mes doigts tapotent l'emplacement de mon palpitant puis je détaille mon corps pour m'assurer qu'il ne me manque aucun membre ni organe vital. L'analyse terminée, je retombe contre mon tapis et frictionne avec frénésie mon visage.

Note à moi-même : Ne plus jamais m'endormir.

Ma respiration toujours saccadée parvient tout de même à se ralentir pendant que mon cœur retrouve lentement un rythme sinusal. Toutefois, l'explosion sonore de ma sonnerie m'arrache un sursaut brut. Je me roule en boule dans un instinct primaire de protection, mes genoux butent contre mon menton tandis que mes mains toujours tremblantes tentent de couvrir mes oreilles. Si le silence refait surface, il n'est que de courte durée. Les appels se suivent et se ressemblent tous. La sonnerie résonne quatre fois, il raccroche, laisse quelques secondes, le temps de recomposer mon numéro puis quatre nouvelles sonneries retentissent. Je n'ai pas besoin de lire le nom, je sais que c'est lui. Ma Némésis, mon bourreau... mon cauchemar. Je prie, encore, ce Dieu qui semble pour le moins inexistant et implore pour que tout s'arrête. J'ignore si je supplie pour que ce soient les appels ou ma propre vie qui se stoppent, toujours est-il que ça doit s'arrêter. Je ne suis plus au bord du précipice, je suis en chute libre. Je sens mon corps se désagréger à mesure qu'il absorbe la distance qui me sépare du sol.

Et... le silence s'impose.

Je me mords l'intérieur des joues avec tant de détermination que le goût métallique du sang s'insinue dans ma muqueuse. Je me risque à abaisser les mains de mes oreilles et crains que ce silence ne soit que temporaire. Mon doute se vérifie quand des coups violents fracassent ma porte.

Elaïa! rugit sa voix plus rocailleuse que d'ordinaire.

Les tremblements prennent d'assaut la totalité de mon corps, la chair de poule se hérisse sur mon épiderme et mon cœur termine de se faire la malle. J'enserre mon crâne, plaque mes paumes sur mes oreilles et ravale la bile qui exige de quitter mon estomac.

— Réponds-moi! Elaïa! S'il te plaît!

Non, va-t'en, hurlé-je en mon for intérieur. Laisse-moi, le supplié-je sans qu'aucun son ne traverse la barrière de mes lèvres. Reste loin de moi, ordonné-je toujours mutique et léthargique sur le tapis de mon salon.

— Je te préviens, si tu ne réponds pas, Elaïa, je fais un carnage!

D'instinct, je ravale le flot de larmes qui chatouillent les abords de mes paupières closes. Personne... n'a... eu... n'a... et n'aura... mes larmes... répété-je pour moi-même. Néanmoins, j'admets qu'en cet instant, pleurer soulagerait mon esprit et mon corps. Sans savoir d'où me parvient cet élan d'énergie, un hurlement jaillit du plus profond de mes entrailles.

— Arrrrrrrêttttttttte!

Mes yeux demeurant terriblement secs, un sanglot douloureux s'arrache à la suite de mon cri. Je resserre mes genoux contre ma poitrine et tente de me réduire à l'était de grain invisible. Sans succès, évidemment.

Pitié, arrête de frapper, arrête s'il te plaît... arrête d'exister... arrête de hanter mes nuits... arrête d'être là... soupiré-je à peine audible.

Sous Le Masque Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant