CHAPITRE 37

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Roxanne

21 h 45, Maison de Victor, Monaco,

Je grimace en m'affalant sur le canapé, la soirée d'hier a été mouvementée et pas de la meilleure des manières. J'attrape Sanditon de Jane Austen au fond de mon sac en me maintenant les côtes avant de m'étaler tout en longueur sur le cuir. Déterminée à terminer ma lecture, ma concentration me fait défaut une toute petite dizaine de minutes après avoir ouvert le bouquin. Habituellement Ela lit les romans et réalise les résumés pour nous deux quand j'effectue le travail pour les Thrillers. Je soupire et délaisse le livre. Je n'aime pas la romance encore moins quand ce n'est pas Ela qui essaye de me convaincre de la qualité d'un bouquin. La porte d'entrée s'ouvre, malgré moi, mes muscles se tendent. J'ai bien assimilé que les démons de Simon n'explosent que dans des situations bien précises, seulement mon corps accuse encore les dégâts de la veille. Je n'envisageais pas de me retrouver seule avec lui, ni maintenant ni jamais. Mon soulagement décomprime ma poitrine quand le visage de Victor apparaît dans le salon. Il ne perd pas de temps et dépose un baiser sur mon front.

—    As-tu besoin de quelque chose? s'enquiert-il, les yeux noyés de culpabilité.

—    Je vais bien, mens-je.

—    C'est faux. Tu refuses même d'en parler.

Je lui accorde un sourire crispé et d'une main tendre, je caresse sa joue.

—    Je suis là, je ne pars pas et je t'aime, Saran'ah.

Il entrouvre la bouche, je ne le lui laisse pas le temps et plaque la mienne. Ma langue roule sur la sienne et j'étouffe ses questions silencieuses. Je ne veux pas en parler simplement parce que je ne saurais pas quoi dire. Je ne sais même pas quoi en penser. Tout est vrai, dans leur voix, dans leur attitude, je n'ai aucun doute, tout était vrai. Ça m'a déchiré le cœur et mis en colère. J'ai pleuré, accusé le coup puis les démons de Simon se sont réveillés. Parce que j'avais dit le mot de trop, j'avais été maladroite. Mon corps s'est fait propulser d'un mur à un autre, ma respiration a été coupée, mon corps a subi les vestiges d'une plaie encore bien suintante dans le cœur de Simon. Je lui en veux et pourtant, pour la première fois depuis qu'ils sont entrés dans ma vie, j'ai presque envie de le pardonner. Pas tout mais assez pour prouver que je reste avec eux, quoiqu'il en coûte.

—    Va travailler, quand tu auras terminé, je serais toujours là, murmuré-je contre ses lèvres.

Il hésite un instant, cherche une réponse qu'il ne trouvera pas dans mes yeux puis capitule. Sa bouche fond sur la mienne une dernière fois avant de quitter le salon pour son bureau. Il jette une œillade furtive avant de totalement me quitter. Je souris pour la forme puis soupire et balance ma tête contre l'accoudoir. Je tâtonne le haut de mon corps à la recherche de mon portable échoué quelque part et le retrouve entre les coutures du canapé. L'écran illumine mon visage, mon doigt parcourt mes dernières conversations et clique sur celle avec Ela. Je commence à débiter un nouveau monologue puis me stoppe quand je réalise que les larmes coulent contre mes tempes. J'efface le message et éteins l'écran. Je ne peux pas envoyer ce monologue, parce que maintenant je suis dans la confidence et dois garder patience. J'abandonne mon téléphone et essuie mes larmes d'un revers de manches quand la porte d'entrée claque de nouveau. J'inspire avec lenteur et reste immobile sur le canapé. Simon a quitté la maison en rage dix minutes après s'être servie de moi comme d'un punching-ball, depuis je ne l'ai pas revu.

—    Où est-il?

Bonne nouvelle, Simon n'a pas changé en une soirée et n'est toujours pas un grand adepte des excuses ainsi que de la politesse. Moi qui pensais stupidement qu'il éprouverait un peu de compassion ! Je me redresse, m'installe en tailleur le canapé, grimaçant à la contorsion de mes côtes et le gratifie d'un large sourire sarcastique.

Sous Le Masque Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant