CHAPITRE 38

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Le Marqueur

Octobre 2021, 21 h 30, Bureau de Patrick Valence, Monaco

Je parcours la liste des escortes sans grande excitation. Elles sont toutes fades et sans intérêts. Nous n'avons vraiment pas les mêmes préférences physiques. Seule cette Camélia, dont les cheveux noirs et les yeux couleur charbon attisent ma curiosité, pourrait me satisfaire. Petite, mince avec, toutefois, une poitrine rebondie, elle a un physique tout à fait délicieux à l'œil. Je tapote sa photo du bout des doigts, le très cher Patrick Valence grimace. D'un signe du menton, je l'invite à justifier son attitude.

— Vos attentes sexuelles ne seront pas comblées avec cette escorte.

J'arque un sourcil, cet homme aux problèmes d'érection me parle de ma satisfaction personnelle quand lui ne parvient ni à plaire aux femmes ni aux escortes.

— En revanche, si vous aimez ce profil, il y en a un similaire dans l'agence de Nice centre. Elle est très demandée et très sélective, vous devrez approcher un de ses trois clients pour entrer en contact avec elle. En revanche, sexuellement, elle est considérée comme inactive pour l'instant, mais avec un bon prix, je suppose qu'elle saura faire les bons choix.

Il me tend la courte liste et la photo de cette escorte aux traits presque conformes à ceux de Camélia. Toutefois ce ne sont ni ses cheveux ni ses courbes qui m'interpellent mais bel et bien ses yeux. Des pupilles sombres dans lesquelles dansent des flammes sauvages. J'esquisse un sourire, convaincu de reconnaître celle qui se cache sous le masque. Néanmoins, pour en avoir la totale certitude, je dois la voir par-delà l'image.

Connaissez-vous ses futures missions d'escorting?

Il sort de son tiroir une pile de documents et vérifie les données.

— Hécate sera présente, ce week-end, à la soirée caritative pour la lutte contre le cancer.

Mon sourire s'élargit et la conviction se renforce peu à peu. Quel joli nom de sorcière pour une petite souris unique. Bien évidemment, rien ne le prouve encore mais cela ne saurait tarder.

— C'est son client principal, Maddox qui l'a louée.

Maddox? répété-je, le journaliste?

Il hoche la tête et je ravale un rire intense de satisfaction. De mieux en mieux, c'est à la fois profondément exaltant et presque décevant. Excitant parce que ce petit jeu prend une tournure inattendue mais hilarante. Décevant parce qu'ils me mâchent tellement le travail que ça en perdrait presque toute sa saveur.

— Bien, me raclé-je la gorge, l'air de nouveau impassible, trouvez-moi un carton d'invitation.

— Il me semble que votre dernier versement n'a pas été effectué.

Mon sourcil se redresse et je le toise. Il ne cède pas et attend patiemment que j'entretienne son addiction à l'argent. Je me relève, reboutonne ma veste de costume et enfonce mes mains dans les poches de pantalon.

— Je suis un homme patient, monsieur Valence, en revanche ma bonté n'est pas illimitée. Je paye pour des résultats, pas pour du vent.

****

Alors que les esprits s'échauffent entre quelques hommes ayant un peu trop forcé sur la boisson, ses oreilles sont attirées par le bruit. Son visage se tourne et mon hypothèse se concrétise. Je ne peux ravaler mon sourire tandis que mon excitation s'agit contre les coutures de mon pantalon de costume. Unique, cette proie est tout bonnement unique. Les images se percutent et se mélangent, sa blondeur vénitienne et son noir corbeau se fusionnent et je perçois au travers de ses lentilles noires, ses prunelles atypiques. Cette nuit-là aussi, elle avait choisi de les dissimuler sous une lueur chocolat. Je voulais voir la réalité alors, pendant qu'elle était assoupie, j'avais retiré les lentilles.

À cet instant, je me retiens de ne pas l'approcher, ce n'est pas le moment. Je dois rester invisible, mon plan n'est pas encore tout à fait finalisé. Une envie intense coule néanmoins dans mes veines, je voudrais effleurer sa chair sans gant ni masque pour recouvrir mon visage. Me reconnaîtra-t-elle ? Appréciera-t-elle autant mon toucher que la dernière fois ? Elle sait ce qui me plaît quand moi, je réponds à tous ses besoins. Je sais qu'elle est le pion ultime dans un jeu plus grand, toutefois, j'attends avec grande impatience de jouir de nouveau de son corps. D'autant plus que les conditions seront meilleures, là, elles auront une saveur de victoire totale.

J'avale la fin de ma gorgée et tourne les talons. J'en ai assez vu, maintenant, je dois soulager cette pleine excitation qui allume à la fois mon entrejambe mais également mon corps entier.

Les marches du manoir descendues, je transmets mon numéro au voiturier qui s'empresse de récupérer les clés. Il espère un pourboire, comme chaque pauvre oisillon tombé d'un nid, il lèche les bottes des riches pour obtenir quelques malheureux billets. Pendant que je patiente, mon sourire s'étire quand je perçois une présence dans mon dos.

— Je doute que vous soyez intéressé par la lutte contre le cancer, gronde sa voix.

Ne soyez pas si mesquin, Maddox, je suis un homme profondément attristé par la cruauté de ce monde, raillé-je, un air implacable au visage.

— Vous êtes un virus bien plus polluant que le cancer lui-même.

Je souris et me tourne pour lui faire face.

Vous n'avez pas idée à quel point, me gaussé-je avec froideur.

Cet homme est journaliste pourtant, il s'avère stupide. Il s'élève et lutte contre les mauvaises personnes. Si ça m'arrange à titre personnel, je plains ceux qui subissent ses excès d'égocentrisme et de narcissisme.

— Savez-vous ce qui affaiblit l'humain, Maddox?

Il plisse les yeux, sa mâchoire carrée se contracte, un sourire condescendant remonte la commissure de mes lèvres.

— L'erreur, répliqué-je, vous n'avez de cesse d'en commettre. Un jour, je vous apprendrais à ne plus en commettre et vous deviendrez meilleur.

— Je ne veux rien avoir à faire avec vous. Jamais.

Je lui tapote l'épaule, il se dégage, je laisse échapper un rire. Le vrombissement de mon Aston Martin signe la fin de cette conversation. Je gratifie le voiturier d'un signe du menton et glisse dans sa poche une liasse de billets. Avant de m'enfoncer derrière le volant, j'interpelle une dernière fois mon journaliste favori.

— Ne faites pas de promesses que vous ne saurez tenir, Maddox. Vous et moi, nous nous reverrons. Peut-être que même vous jouerez pour mon équipe.

Sans lui laisser le temps de protester, je claque la portière et disparais. Je dois absolument soulager mon excitation enflammée sinon je risque de sérieusement compromettre le plan.

Sous Le Masque Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant