CHAPITRE 30

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Elaïa

10 h, Faculté de lettres, Nice,

Je soupire et roule des yeux devant ma propre maladresse. Épuisée des nuits sans sommeil, je n'arrive même plus à mettre un pied devant l'autre sans me les prendre dans le tapis. Je m'accroupis et ramasse mes livres pour les enfoncer dans mon sac quand une main apparaît dans mon champ de vision. Je me fige une seconde tandis qu'elle ouvre mon sac un peu plus grand pour permettre de ne pas abîmer les bouquins. J'attends le moment où elle va se servir de moi comme d'un punching-ball mais il n'arrive pas. Mes affaires rangées, elle se redresse simplement. Je reste au sol sans lever les yeux quand sa voix étrangement douce résonne avec sympathie presque sincère.

— Tu es plus jolie sans lunettes.

Elle tourne les talons sachant pertinemment que je ne lui adresserais pas la parole. Toutefois, mes doigts glissent par automatisme sur les branches de mes lunettes. J'ai dû les remettre. Non pas qu'elles me soient d'une grande utilité, si ce n'est servir de barrière pour mon propre esprit. Une main s'enroule autour de mon bras, je sursaute avant de souffler, rassurée. Cam m'offre un sourire plus timide que d'ordinaire. Je le lui rends sans beaucoup plus d'enthousiasme.

— Elle a acheté de la gentillesse à l'épicerie du coin?

— Apo essaye de se racheter pour ses erreurs.

— J'espère qu'elle a acheté beaucoup de gentillesse alors.

Je tourne les talons pour rejoindre mon casier tandis qu'il secoue la tête de désapprobation.

— S'il te plaît, Ela.

Mes épaules s'affaissent, ma tête s'abaisse et je referme une première fois mon casier.

— Je suppose que je peux fournir un effort et lui dire bonjour.

— C'est tout ce que je te demande.

Il l'aime, Cam aime cette hyène d'Apopute et j'ai toujours voulu le bonheur de mon meilleur ami. J'aurais bien sûr voulu que ce soit avec quelqu'un d'autre qu'elle. Mais je suppose qu'on personne ne choisit pour qui son cœur bat. Mon esprit voyage instantanément vers Roxie et ma gorge se serre. Je me détourne de mon casier et observe les alentours. Mon regard tombe dans celui de ma meilleure amie qui attend Cam de l'autre côté du couloir. Depuis notre altercation au parc, elle n'essaye plus de venir vers moi, si je lui en suis reconnaissante, sa présence me manque. Toutefois je ne dois pas céder, ce serait trop dangereux. Je retourne à mon casier et échange mes livres pour mon ordinateur et mon bouquin.

— Les pop-corn sont-ils caloriques? reprend Cam d'un ton plus enjoué.

Je plisse les yeux mais accepte de jouer le jeu.

— S'ils sont faits maison, pas vraiment. Tu peux en manger cent grammes pour trois cent cinquante calories. Tout ce qu'il faut, c'est de ne rien ajouter dessus.

— Tu aimes ça?

Je hoche la tête malgré la manigance évidente.

Donc, renchérit-il un sourire plein de malice aux lèvres, accepterais-tu d'en manger cent grammes?

J'acquiesce, referme mon casier et laisse mon dos retomber contre le métal. Mes bras se croisent sur ma poitrine, j'esquisse à mon tour un sourire et lui fait les yeux doux.

Non, secoue-t-il la tête, le torse bombé, n'essaye même pas de m'attendrir, je ne te dirais rien de plus.

J'arque un sourcil et passe mon bras autour de ses épaules. Il est bien plus grand que moi, je dois me tenir en équilibre sur mes pointes de pieds. Il reste imperturbable même si un rire s'étouffe contre ses lèvres.

Sous Le Masque Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant