CHAPITRE 36

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Simon

2010, Maison d'enfance de Simon, Monaco,

Avachit dans le canapé, la capuche tirée jusqu'à la rizière de mes yeux, je tente d'occulter les images qui passent en boucle à la télévision. L'une de mes jambes ne cesse de frapper le sol. Je vais devenir fou, si ce n'est pas déjà le cas. Malgré les cinq douches du matin, j'ai déjà envie d'y retourner. Sans me retenir plus longtemps, je frictionne avec frénésie mes paumes contre mon jean. Si Vincent et papa sont obnubilés par les informations, je sens le regard de Victor se poser sur moi. Lorsque sa main s'approche dangereusement de la mienne, je m'écarte, il soupire. Ma mâchoire se contracte, mon cœur s'emballe, je vais exploser. Je tire de ma poche le nécessaire pour me rouler un joint, de toute manière, ça ne sert plus à rien de le cacher, dans quelques heures, ça n'existera plus, ce sera le cadet de leurs soucis. Le joint roulé, je me relève et quitte le salon pour le jardin. La tête balancée en arrière, j'accueille les discrets rayons de soleil. Bientôt, eux aussi ne seront que de lointains souvenirs. Je grille une longue première latte, espérant qu'elle calme la crise de panique.

«Personne n'aime les monstres Simon.»

Non, personne ne les aime, pourtant, j'étais persuadée qu'elle m'aimait. Naïvement, je le pense encore. Si je ne l'avais pas tuée, on n'en serait pas là, peut-être que j'aurais réussi à aller mieux. Peut-être que si je n'avais pas refusé de brûler Victor, je ne grillerais pas mon dernier joint et ne profiterais pas des derniers rayons de soleil. Des doigts glissent autour de la drogue roulée et l'arrachent de ma main. Il tire longuement dessus et expulse la fumée haut dans les airs.

On pourrait s'enfuir, chuchote-t-il, ce n'est pas trop tard.

«Tu es malade, Simon, on t'aide à aller mieux.»

J'accepte le joint après qu'il s'en soit soulagée de trois bouffées. Le papier crépite quand j'embrume mes poumons d'un nouveau nuage toxique. Devant mon mutisme, il renchérit.

— Anthony serait même d'accord avec cette proposition. Ça ne serait que temporaire, le temps que le problème soit réglé.

«Tu es malade, Simon, tu es répugnant.»

Je délaisse le mégot sur le rebord de la fenêtre et m'apprête à rentrer quand il enroule ses doigts autour de mon bras. Dans un élan agressif, je le repousse et mon poing s'écrase contre sa mâchoire. Il grogne mais ne m'en tient pas rigueur. La seconde d'après, je vide une mini bouteille de désinfectant entre mes paumes et les frictionnent. Ses mains apparaissent entre les miennes. Il les nettoie en entremêlant nos doigts. Pour la première fois depuis hier soir, je relève la tête et plonge dans ses yeux. Il a pleuré. Encore.

Ne fait pas ça, murmure-t-il la voix éraillée, s'il te plaît, ne m'abandonne pas maintenant. Tu n'es pas coupable.

Comment peut-il encore plaider ma cause ? Il veut me voir et m'entendre dire que je suis innocent mais c'est faux. Je ne le suis plus depuis presque cinq ans. Depuis que mes mains se sont posées pour la première fois sur le corps d'une femme. Depuis qu'elle a choisi de faire de moi un pantin sexuel. Je suis un Marqueur, pas un innocent. Je chasse des proies et brûle des corps. Peut-être que cette fois, je ne suis pas le coupable, seulement je suis complice. Il n'y a plus rien d'innocent ni de pur chez moi.

«Je t'aide à aller mieux.»

Je ne suis pas certain d'aller mieux. Je doute que ses mains sur moi, sa bouche en contact avec mon sexe et leurs satanés rituels de brûlures m'aient aidé à aller mieux. Au contraire, je me sens de plus en plus sale. Surtout depuis cette nuit-là... cette nuit où j'ai choisi de croire la voix de Victor plutôt que les leurs. Maintenant, plus c'est violent, plus ça m'excite. Plus elles refusent et hurlent, plus je veux les faire taire. Ne parlons même pas du grand final... je crois que c'est cette étape-là que j'ai assimilée avec succès. Rien que d'y penser, je bande. En quoi ça fait de moi quelqu'un de guéri ?

Sous Le Masque Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant