CHAPITRE 62

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Le Marqueur

Quarante-neuf heures écoulées, avril 2023, Résidence d'Elaïa et Roxanne, Nice.

Le plus exaltant lors d'une chasse c'est l'instant où dans les yeux de la proie on découvre sa résignation. Celle qui dit tu as gagné, je me soumets.

Le plus excitant dans un dilemme, c'est le moment où la proie réalise que peu importe son choix, la conséquence ne sera satisfaisante que pour le chasseur.

Ce soir, le plus vivifiant est de leur prendre à tous leur certitude. Celle qui dit, tu ne nous auras pas, nous sommes plus intelligents.

Si j'admets que ma petite souris a de la ressource, elle commet des erreurs qui la rendent faible. Terriblement vulnérable. Je ne saurais décrire avec précision l'exultation qui s'est diffusée sous ma chair quand elle s'est enfin décidée à jouer.

Alors que je me perds dans mon excitation, la porte principale de la résidence s'ouvre. Adossé contre un poteau à quelques mètres d'elle, un rictus s'allume au coin de ma bouche.

—    Un, deux, trois, murmuré-je, rieur, nous irons au bois.

Je tire sur le filtre de ma clope et laisse le nuage s'échapper dans les airs.

—    Quatre, cinq, six, cueillir des proies.

Si la rime laisse à désirer, je ne suis pas poète, je suis chasseur. Et tel le petit chaperon rouge, Roxanne Mesnil n'a aucune conscience du loup qui rôde non loin d'elle. Ses yeux se rivent sur son portable, ses doigts assurément experts, tapotent sur l'écran.

—    Vas-y ma douce poupée, préviens-les, préviens-les tous, siffloté-je à faible voix.

Le tic-tac de ma montre fait palpiter mon cœur, c'est bientôt l'heure. C'est le moment d'entrée en scène, elle sera théâtrale. Je me délecterai de leur rage et aspirerai leur faiblesse. Bientôt, je prendrai tout et ils ploieront le genou. Il le ploiera et recommencera enfin à jouer avec moi.

N'est-il pas plaisant de les observer se pavaner, nous attendre tels de beaux princes charmants qui offriront à leur corps tout ce qu'elles veulent et bien plus encore.

Lorsqu'elle relève la tête, les sourcils froncés, mon sourire s'élargit. Ils ne viendront pas, petite poupée. Elle compose un numéro et calle le téléphone contre son oreille.

—    Sonne, sonne, petit téléphone, personne ne te répondra, ris-je.

Elle tente une seconde fois, en vain. Je retire le tabac de ma clope et garde le filtre dans l'une de mes poches de blouson. Lorsque son soupir traverse la barrière de ses lèvres, j'enfonce mes mains dans mes poches et dans une petite poussée d'épaule je me redresse. D'un pas traînant bien qu'impatient, le sourire aux lèvres, j'avance et réduis la distance entre nous. La sonnerie de son téléphone résonne dans les airs, ses yeux envisagent de lire la notification quand ma voix l'interpelle.

—    Bonsoir, mademoiselle Mesnil. Votre chauffeur est arrivé, raillé-je.

Elle recule, ses doigts prêts à composer un numéro d'urgence, je balaye son portable d'un revers de main, l'écran se fissure à l'impact au sol. Son dos se plaque contre le mur, l'exaltation dans ses yeux bridés m'allument. Ses dents mordillent sa lèvre et j'ai déjà hâte de sentir sa bouche réchauffer mon entre-jambe. Sa respiration se saccade et dans un élan de provocation, elle veut déjà commencer à courir. Je claque ma langue contre mes dents, un râle rieur s'échappant de mes lèvres.

—    Nous aurons tous le temps de jouer au chat et à la souris.

J'attrape sa nuque d'une paume ferme et colle mes lèvres à son oreille. Alors que ma main libre enfonce lentement une aiguille dans sa chair, je jubile et murmure :

—    Ils m'appellent tous le Marqueur...

Ses yeux papillonnent, elle combat les effets du sommeil, ses ongles s'enfoncent dans ma chair et ma peau s'embrase.

—    Mais toi, ma douce petite poupée, murmuré-je alors que son corps s'affaisse entre mes bras, appelle-moi, Côme Davis.

Sous Le Masque Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant