La présidente de Tourvel à madame de Volanges.
On ne peut être plus sensible que je le suis, madame, à la confiance que vous me témoignez, ni prendre plus d'intérêt que moi à l'établissement de mademoiselle de Volanges. C'est bien de toute mon âme que je lui souhaite une félicité dont je ne doute pas qu'elle ne soit digne & sur laquelle je m'en rapporte bien à votre prudence. Je ne connais point M. le comte de Gercourt ; mais, honoré de votre choix, je ne puis prendre de lui qu'une idée très-avantageuse. Je me borne, madame, à souhaiter à ce mariage un succès aussi heureux qu'au mien, qui est pareillement votre ouvrage, et pour lequel chaque jour ajoute à ma reconnaissance. Que le bonheur de mademoiselle votre fille soit la récompense de celui que vous m'avez procuré ; et puisse la meilleure des amies, être aussi la plus heureuse des mères !
Je compte rester à la campagne tout le temps de l'absence de M. de Tourvel. J'ai pris ce temps pour jouir & profiter de la société de la respectable madame de Rosemonde. Cette femme est toujours charmante : son grand âge ne lui fait rien perdre ; elle conserve toute sa mémoire & sa gaieté. Son corps seul a quatre-vingt-quatre ans ; son esprit n'en a que vingt.
Notre retraite est égayée par son neveu, le vicomte de Valmont, qui a bien voulu nous sacrifier quelques jours. Je ne le connaissais que de réputation, et elle me faisait peu désirer de le connaître davantage ; mais il me semble qu'il vaut mieux qu'elle. Ici, où le tourbillon du monde ne le gâte pas, il parle raison avec une facilité étonnante, et il s'accuse de ses torts avec une candeur rare. Il me parle avec beaucoup de confiance, et je le prêche avec beaucoup de sévérité. Vous qui le connaissez, vous conviendrez que ce serait une belle conversion à faire : mais je ne doute pas, malgré ses promesses, que huit jours de Paris ne lui fassent oublier tous mes sermons. Le séjour qu'il fera ici sera au moins autant de retranché sur sa conduite ordinaire ; et je crois que, d'après sa façon de vivre, ce qu'il peut faire de mieux est de ne rien faire du tout. Il sait que je suis occupée à vous écrire, & il m'a chargée de vous présenter ses respectueux hommages. Recevez aussi le mien avec la bonté que je vous connais, et ne doutez jamais des sentiments sincères avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc.
Du château de..., ce 9 août 17...
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Les Liaisons Dangereuses - Version abrégée
Narrativa generaleCette œuvre littéraire majeure du XVIIIe siècle, qui narre le duo pervers de deux nobles manipulateurs, roués et libertins du siècle des Lumières, est considérée comme un chef-d'œuvre de la littérature française.