La présidente de Tourvel au vicomte de Valmont.
Il semble, monsieur, par votre conduite avec moi, que vous ne cherchiez qu'à augmenter chaque jour les sujets de plainte que j'avais contre vous. Votre obstination à vouloir m'entretenir sans cesse d'un sentiment que je veux ni ne doit écouter ; l'abus que vous n'avez pas craint de faire de ma bonne foi ou de ma timidité, pour me remettre vos lettres ; le moyen peu délicat, dont vous vous êtes servi pour me faire parvenir la dernière ; tout devrait donner lieu de ma part à des reproches aussi vifs que justement mérités. Cependant, au lieu de revenir sur ces griefs, je m'en tiens à vous faire une demande aussi simple que juste ; & si je l'obtiens de vous, je consens que tout soit oublié.
Vous-même m'avez dit, monsieur, que je ne devais pas craindre un refus, je veux croire que vous n'en tiendrez pas moins aujourd'hui cette parole formellement donnée il y a si peu de jours.
Je désire donc que vous ayez la complaisance de vous éloigner de moi ; de quitter ce château, où un plus long séjour de votre part ne pourrait que m'exposer davantage au jugement d'un public toujours prompt à mal penser d'autrui, & que vous n'avez que trop accoutumé à fixer les yeux sur les femmes qui vous admettent dans leur société.
Avertie déjà, depuis longtemps, de ce danger par mes amis, j'ai négligé, j'ai même combattu leur avis tant que votre conduite à mon égard avait pu me faire croire que vous aviez bien voulu ne pas me confondre avec cette foule de femmes qui toutes ont eu à se plaindre de vous. Aujourd'hui que vous me traitez comme elles, que je ne peux plus l'ignorer, je dois au public, à mes amis, à moi-même, de suivre ce parti nécessaire. Je pourrais ajouter ici que vous ne gagneriez rien à refuser ma demande, décidée que je suis à partir moi-même, si vous vous obstinez à rester. Prouvez-moi donc, Monsieur, que comme vous me l'avez dit tant de fois, les femmes honnêtes n'auront jamais à se plaindre de vous ; prouvez-moi, au moins, que quand vous avez des torts avec elles, vous savez les réparer.
Je vous offre l'occasion de mériter toute ma reconnaissance. Adieu, monsieur ; votre conduite va m'apprendre avec quels sentiments je dois être, pour la vie, votre très humble, etc.
De ... ce 25 août 17...
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Les Liaisons Dangereuses - Version abrégée
General FictionCette œuvre littéraire majeure du XVIIIe siècle, qui narre le duo pervers de deux nobles manipulateurs, roués et libertins du siècle des Lumières, est considérée comme un chef-d'œuvre de la littérature française.