more rain

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Aiden
Moi, je n'avais pas compris tout de suite, mais Louisa me regardait après ce long récit comme si elle avait vu un fantôme. J'étais vraiment à mille lieues de ce qui se passait dans sa tête et aucun de nous trois ne pouvait se douter que cette nuit et les révélations qui allaient suivre allaient nous coûter cher, finalement.
Peut-être que si j'avais su ce qui allait suivre, j'aurais enlevé ce verre de la main de Liam et j'aurais insisté pour qu'on rentre, ou peut-être pas.
Peut-être même que je l'aurais resservi, peut-être que le chaos fait tellement de bruit que je ne l'entendrais pas. Peut-être que je pourrais m'y plaire dans ce rien puisque, au final, qu'est-ce que j'ai aujourd'hui ? Ma mère et mon père ?
Ils ont perdu toute joie de vivre depuis la mort d'Oli et pour eux, chaque jour est une épreuve.
Je sais qu'ils ne s'aiment plus et puis, à quoi bon ?
Ce n'est pas comme si moi aussi je n'avais pas perdu ma sœur jumelle. Mes parents aimaient ma sœur plus que tout, plus que moi je veux dire, mais ce n'est pas une chose qui me dérangeait.
Elle était dans la lumière et moi dans l'ombre, nous étions un équilibre parfait. Parfois même, j'ai entendu une conversation dans la cuisine lorsque j'étais dans les escaliers. Ma sœur disait à ma mère qui était avec son amie comment elle, moi et Louisa avions sauvé un chaton qui avait failli se faire écraser par une voiture. Quand elle eut fini de raconter nos aventures, ma mère a répondu : "C'est bien, ma chérie, si tu t'es amusée avec tes amis." J'avais à peine 11 ans. Aussi loin que je me souvienne, ça a toujours été comme ça.
Je n'étais pas malheureux puisque j'avais tout ce qu'un enfant de 11 ans pourrait rêver, ou peut-être que j'aurais voulu un peu plus d'amour. Peut-être que j'étais malheureux en fait, mais je n'avais pas besoin de l'amour de mes parents puisque j'avais celui d'Olivia.

Puis on a rencontré Louisa, le plus beau jour de ma vie. Je me rappelle quand on est allé voir ses harceleurs et que j'étais parti voir la maîtresse pour lui dire. J'ai vu dans les yeux de cette femme de la fierté, j'ai vu que j'étais quelqu'un de bien, ou peut-être juste que j'étais quelqu'un. J'aurais aimé que ma mère me regarde comme ça. En fait non, j'aurais juste aimé qu'elle me regarde. Louisa est devenue importante très vite autant pour ma sœur que pour moi et, à ma grande surprise, maman l'aimait bien, tout comme papa. Mais papa ne disait jamais rien. De toute façon, il savait que maman aurait toujours le dernier mot. Je pense que mon père m'aimait autant qu'il aimait ma sœur. Enfin, c'est ce qu'il essayait de me montrer en m'emmenant chaque dimanche avec lui jouer du piano dans le garage de son ami avec qui il avait un groupe de musique locale, même si je ne lui ai jamais dit si j'aimais ça ou non. Au début, je n'appréciais pas le piano plus qu'un autre instrument. Puis le fait que cela me permettait de passer du temps avec lui a eu raison de moi, à tel point que j'ai appris "Divenire" de Ludovico Einaudi par cœur pendant des heures dans ma chambre. Car oui, ma mère avait accepté de m'acheter un piano pour ma chambre si cela pouvait lui permettre de ne pas me voir pendant quelques heures. J'ai passé des heures dans ma chambre à l'apprendre pour voir une once de fierté dans les yeux de mon père. Je me souviens du jour où je lui ai montré. J'étais stressé comme si j'allais passer devant 500 personnes alors qu'il n'y avait que mon père et moi dans ce garage insonorisé pour son groupe. Quand j'eus fini, mon père pleurait et c'est ce jour-là qu'il m'a dit pour la première fois;

- Tu sais que je t'aime ?

C'était Louisa. Elle m'a fait sursauter. Pourquoi me disait-elle cela maintenant ? Mais je n'avais apparemment pas le droit, puisque d'un coup, des pluies diluviennes se mirent à nous tomber dessus. En rien de temps, mes vêtements me collèrent à la peau et mon tee-shirt laissait voir mon tatouage sur mon flanc gauche, qui inscrivait sur ma peau pour toujours "piano" en arabe. Piano parce qu'il m'a aidé à beaucoup de choses, mais l'arabe, c'est juste parce que je trouvais que ça rendait bien mieux qu'en anglais. Elle le voit et le prend en considération. Elle sait au fond d'elle ce qui est inscrit à l'encre noire et je le remarque, bien qu'elle ne sache pas lire l'arabe tout comme moi, elle sait à quel point le piano est important pour moi. Elle ne sait pas que j'ai arrêté après la mort de ma sœur, elle ne sait rien après cette soirée de juillet 2018. Perdre ma sœur et Louisa est sûrement la chose qui a déclenché ma dépression. Mon père aussi a arrêté de faire de la musique, il a arrêté de m'emmener au piano. Le jour de l'enterrement de ma sœur, Louisa était là. J'ai essayé de la rattraper, mais je n'y suis pas arrivé. Elle est montée dans une voiture d'un garçon qui avait l'air un peu plus vieux qu'elle, c'est la dernière fois que je l'ai vue. Ma mère, ce jour-là, ne m'a pas adressé la parole de la journée, ni même de celle d'après. En fait, elle ne m'a pas parlé pendant un an entier et qu'est-ce qu'elle m'a dit quand elle m'a adressé la parole ce jour, pile un an après son enterrement ?

- Tu me fais tellement penser à elle.

Louisa prononce cette phrase en sanglots, elle vient me prendre dans ses bras comme le jour de notre premier baiser en raison du bruit de l'orage qui l'effrayait. La seule différence aujourd'hui, c'est que je ne connais pas ses peurs.

- Elle me manque tellement Aiden, je suis tellement désolée si tu savais comme je m'en veux.

Elle criait des mots muets avec ses larmes qui coulaient à torrents comme la pluie qui avait cessé depuis peu. Pourquoi s'en voulait-elle ? Pour m'avoir abandonné ? Et moi, est-ce que je lui en veux ? Est-elle la Louisa que j'ai connue il y a 13 ans ? Non, bien sûr que non, plus rien n'est comme avant.

Louisa

Aiden était à l'écart depuis quelque temps, il s'était isolé tout seul. Louisa, elle, continuait d'écouter Liam d'une oreille mais elle n'avait d'yeux que pour Aiden qui semblait avoir les larmes aux yeux.
Elle sait à quel point elle a rendu sa vie douloureuse. Elle sait qu'elle doit avoir une conversation avec lui, elle sait qu'il a besoin de savoir pour avancer.
Liam, lui, était trop bourré pour faire attention à quoi que ce soit, une vache sur la plage ne l'aurait pas choqué.

Je t'ai commandé un Uber, il t'attend dans 6 minutes en haut de la plage à côté de la boutique où on a acheté les bouteilles, tu vois ? Tu vas retrouver ?"

- Oh merci Lou', ouii je vais retrouuuver, t'inquièèètes paaass," lui affirmait-il alors qu'il titubait à presque en tomber par terre. Alors Louisa se ravisa, passa un coup de fil où il l'entendait remercier quelqu'un puis elle annonça :

- Myla va venir te chercher.

- Myla ? Mais non, Myla elle me déteste, toi, lui dit-il tout en la pointant du doigt.

- Quoi, moi ?

- Toi, tu peux me ramener ? S'il te plaît Lou', ramène-moi. Myla elle ne m'aime paass.

Il ne savait pas que rien que l'idée d'être au volant lui donnait envie de vomir.

- Liam, tu peux remonter la plage, on se voit dans la semaine. Son ton était froid, même si elle savait que ce n'était pas légitime.

- Mais moi je veux rester avec toii.

- Non, moi j'ai des choses à faire, Liam, maintenant remonte. Myla ne va pas tarder.

- Alors tu me promets que tu n'embrasseras pas Aiden ce soir.

Cette phrase qu'il venait de prononcer lui procura un frisson qui parcourut tout son corps.

Promis, maintenant, vas-y.

Embrasser Aiden n'était pas dans ses projets de ce soir. D'ailleurs, elle ne sait pas vraiment ce qu'elle veut lui dire. Elle se demande ce qu'elle lui aurait dit si rien de tout cela n'était arrivé. Ce qu'elle aurait dit si elle était sûre que le lendemain, son trio serait toujours intact et qu'elle pouvait continuer d'embrasser en secret le frère jumeau de sa meilleure amie tout en continuant d'aller dormir dans son lit à elle.

- Tu sais que je t'aime ?

The neighborOù les histoires vivent. Découvrez maintenant