Chapitre 11

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 Emma sortit de la bouche de métro parisienne un petit peu perdue. Il faut dire que le stress qu'elle ressentait suite à l'appel d'Anne Ludswald n'avait fait que s'accroître. D'autant plus que, comme elle s'y attendait, sa femme n'avait pas bien pris la nouvelle de son rendez-vous parisien. Il lui avait fallu deux bonnes heures pour trouver le courage de lui annoncer cet imprévu, et son épouse l'avait appelée dans la foulée – ce qui n'est jamais bon signe. Une dispute s'en était suivie, et elles ne s'étaient plus parler depuis : d'un côté, Sophia était déçue et lui en voulait – ce qu'Emma comprenait – mais d'un autre côté, elle aurait aimé davantage de soutien compte-tenu des circonstances. Depuis qu'elle s'était lancée dans l'écriture, elle avait l'impression que sa femme ne la prenait pas au sérieux, qu'elle ne voyait cela que comme un passe-temps, une lubie qui passerait. Un peu comme si elle s'était mise au crochet, mais en moins utile. A chaque fois qu'elle avait essayer de lui parler de son roman, elle avait heurté un mur. D'ailleurs, elle n'avait jamais daigné lire ne serait-ce que le résumé. Une situation qui blessait Emma, mais elle savait qu'un couple fonctionnait aussi avec des compromis. En revanche, ce manque de considération s'était exacerbé durant leur dispute, sa femme estimant que ce rendez-vous pouvait bien attendre, que leur couple aurait dû passer avant un tête-à-tête pour signer un bout de papier. L'autrice avait rétorqué que dans ce cas, la prochaine production lyrique à laquelle devait participer Sophia pouvait bien attendre aussi et qu'elle saurait le lui rappeler lorsqu'elle repartirait dans quelques jours seulement.

Le ton était monté, et elles ignoraient l'une comme l'autre comment apprivoiser leurs retrouvailles, entre leurs egos et leurs désirs. Ce stress supplémentaire n'avait bien sûr pas aidé Emma, qui n'avait pas non plus réussi à joindre Julie. Cette dernière n'avait pas répondu à ses appels, ce qui ne pouvait signifier que deux choses : soit Julia lui avait briser le cœur, soit les deux femmes connaissaient au contraire une idylle passionnée qui les coupait du reste du monde.

Tout ceci avait amené Emma à vouloir flâner un peu dans la capitale avant son rendez-vous, et elle avait finalement été contrainte de prendre le métro afin de ne pas être en retard. Après seulement une ou deux minutes de marche, elle trouva le bâtiment indiqué dans le mail de confirmation reçu la veille. Elle prit une profonde inspiration, frotta ses main contre sa saharienne, et poussa la porte. La dame de l'accueil lui sourit et lui adressa un regard chaleureux qui la rassura un peu. Elle lui indiqua la raison de sa présence, et patienta tandis que la réceptionniste prévenait la directrice de la maison d'édition. Celle-ci descendit presque aussitôt, mais Emma avait l'impression qu'une vie entière s'était écoulée. Son cœur battait la chamade dans ses tempes, et elle mettait toute son énergie à calmer le léger tremblement qui commençait à la gagner.

« Madame Guaride ? Enchantée : je suis Anne Ludswald.
- Enchantée.
- Comment allez-vous ?
- Bien, mentit-elle, et vous-même ?
- Je vais bien, je vous remercie. Je vous avoue que j'attendais notre rendez-vous avec impatience !
- Ah oui ? fit Emma, quelque peu déconcertée
- Oui : j'avais hâte de vous rencontrer et de vous faire part de notre projet. Mais je vous en prie, montons en discuter dans mon bureau, invita Anne en lui indiquant les escaliers ».

Emma s'exécuta, fébrile. L'escalier en colimaçon débouchait sur un couloir desservant plusieurs portes en bois. Elle suivit l'éditrice dans la deuxième pièce à gauche. Il s'agissait d'un bureau assez spacieux, au parquet foncé, aux murs boisés sur la partie basse et ornés d'une tapisserie vert émeraude sur la partie haute. Des bibliothèques occupaient une grande partie de la pièce, et un imposant bureau – en cerisier peut-être ? – trônait devant la fenêtre. Deux fauteuils d'aspect confortables lui faisaient face, et une seconde femme était déjà assise sur l'un d'eux. Elle se tourna et salua une Emma interloquée par sa présence. Peut-être était-ce une correctrice ? Une personne du marketing ? L'illustratrice ?

DilEmmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant