Chapitre 32

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 Il était presque midi lorsqu'Emma émergea enfin, un mal de crâne terrible lui assurant qu'elle était bien en vie et réveillée... mais à quel prix ? Elle conservait un très vague souvenir de sa soirée avec Julie : après leur discussion difficile et son aveu qui lui avait fendu l'âme, elle avait éprouvé l'envie irrépressible de tout oublier : Sophia, Johanne, sa vie, elle-même... Jamais elle n'avait autant eu envie de boire. Peut-être même n'avait-elle jamais autant bu... mais comme elle ne se souvenait plus de ce qu'elle avait bu exactement, elle ne pouvait pas l'assurer...

Naturellement, vu l'heure, Sophia n'était plus à ses côtés. Elle se trouvait seule dans ce grand lit, avec un orchestre de percussions dans la tête, et voulait profiter encore de ce répit salvateur avant de se confronter à sa femme. L'idée de la voir après l'aveu d'hier lui souleva un terrible haut le cœur. Comment allait-elle réagir maintenant qu'elle avait réalisé les sentiments qu'elle éprouvait pour une autre ? Comment feindre que tout allait bien ? Comment l'embrasser sans fondre en larmes ?

Elle jeta la couette par-dessus sa tête, avec l'irrépressible envie de disparaître... Elle tenta de réfréner son mal de tête, ses larmes, son haut le cœur, ses peurs, ses angoisses, ses amours... ses émotions... elle-même. Et elle n'entendit pas la porte de la chambre s'ouvrir. Elle sursauta lorsqu'une main vint se saisir de la couette pour en libérer son visage : c'était Sophia, un grand sourire amusé aux lèvres :

« Bonjour bonjour la Belle aux verres dormants, dit-elle doucement »

Emma maugréa quelque chose qui devait être un « bonjour », ce qui amusa d'autant plus Sophia.

« Eh bien ! Tu en tiens une bonne ce matin !

- Tu n'imagines même pas...

- Je crois que je ne t'ai jamais vue aussi joyeuse que cette nuit...

- Je crois bien que je n'ai jamais été aussi ivre que cette nuit...

- En tout cas, je ne t'avais jamais vue dans un état pareil...

- ... dans quel état exactement ? s'inquiéta Emma en repoussant un peu la couette, soucieuse de ce que l'alcool aurait pu l'amener à raconter.

- Tu riais toute seule, tu titubais, tu t'es écroulée sur le lit... j'ai dû t'aider à te déshabiller, tu n'y arrivais pas et ça te faisait rire.... »

Emma souffla et se détendit...

« Et puis qu'est-ce que tu parlais ! »

La française tressaillit à ces mots. Elle avait parlé... beaucoup parlé apparemment...

« Et... je disais quoi exactement ?... »

Sophia se tourna vers elle, en fixant ses yeux dans les siens. Un frisson parcourut Emma. De crainte ou d'excitation, elle n'aurait su dire. Les yeux de sa femme renfermaient à cet instant un secret, quelque chose qu'elle ne parvenait pas à lire... Lui avait-elle fait une déclaration enflammée ? Lui avait-elle avoué ce qu'elle ressentait pour Johanne ? Ou encore raconté sa soirée et son échange avec Julie ? A ce stade, tout était possible...

« Un peu tout et n'importe quoi, finit par lui répondre Sophia en lui caressant la joue et détournant son regard sur cette dernière ».

L'atmosphère se chargea malgré la douceur des caresses de la cantatrice. Emma craignait le pire : sa femme la préservait-elle ? Ou bien n'avait-elle réellement rien dit de compromettant ?

« ... tu ne m'enguirlandes pas ? finit-elle par demander.

- Comment ça ?

- Je t'avais dit que je ne rentrerais pas tard, et au final, non seulement je suis probablement rentrée à point d'heure, mais en plus je t'ai réveillée, empêché de dormir, et je devais sentir l'alcool à des kilomètres...

DilEmmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant