DilEmma

Chapitre 28

 Il était à peine 8h05 lorsque Jo arriva devant l'immeuble. Il avait été convenu que cette seconde audition aurait lieu dans la même salle que la dernière fois, Jack ayant accepté de la mettre à nouveau à disposition. Si c'était pour son actrice préférée, il ne pouvait pas refuser !

L'actrice monta à la cafétéria le temps de patienter. Elle y vit Nick, seul : Judy ne commençait que bien plus tard ce jour-là. Elle n'était habituellement pas adepte du café, mais elle en avait bien besoin ce matin après la nuit qu'elle venait de passer.

A peine avait-elle tourné la clef dans sa serrure en rentrant chez elle la veille qu'une envie inexplicable s'était emparé d'elle : elle voulait faire demi-tour et retrousser chemin jusque chez l'éditrice où logeait Emma. Elle entra et ferma toutefois la porte, le front contre celle-ci avant de se retourner pour y coller son dos et se laisser glisser jusqu'au sol. La soirée avait été pleine d'émotions qu'elle devait encore digérer : l'angoisse d'abord, cette crise qui l'avait saisie au point de l'étouffer, puis Emma, son contact, cette sensation brûlante et papillonnante dans son ventre, cette envie de l'embrasser, cette distance qu'elle avait tenté de mettre en rappelant le souvenir de son épouse, et enfin le retour en voiture. Cette gêne et ces mots qu'elle avait failli prononcer. Cet aveu dont le chauffeur l'avait sauvée.

Elle ne saurait dire combien de temps elle resta perdue dans ses pensées avant de regrouper ses forces et d'aller se coucher. Là aussi, une fois encore, Emma hanta ses pensées, l'empêchant de dormir. A chaque fois que, sur le point de s'endormir, elle pensait à elle, la chaleur de son bas-ventre la gagnait.

Et alors qu'elle se remémorait les idées peu catholiques qui l'avaient traversée toute la nuit au sujet d'Emma... le visage de celle-ci apparut en face de celui de Jo, qui devint rouge cramoisi !

« Hello ! Désolée, je te dérange en pleine rêverie... Je peux m'asseoir plus loin si tu préfères ?

- Non, pas du tout. Au contraire, ça me ferait plaisir de te tenir compagnie, sourit l'actrice très embarrassée qui devait maintenant chasser des images pas très chastes de sa voisine de table.

- Tu as l'air fatiguée...

- Je te retourne le compliment, ria Johanne. »

Il était vrai que l'autrice arborait des traits tirés :

« Je t'avoue que je stresse énormément...

- Il n'y a vraiment pas de quoi. Pour moi, il ne fait aucun doute que ce rôle est le tien. Après tout, c'est toi qui l'as créé !

- Oui, mais contrairement à toi, je ne suis pas une actrice...

- Nous en avons déjà parlé Emma : on peut être actrice sans forcément être passé par une école. Et puis, tu as eu la meilleure des professeurs !

- Ça, c'est vrai !

- Tu as eu des nouvelles de Julie ?

- Elle m'a écrit en arrivant à l'hôtel. Il devait être presque 2h du matin...

- Sa marche a été longue !

- Elle devait avoir pas mal de choses à évacuer, oui... »

Johanne lui adressa un regard interrogateur.

« Je ne sais pas, mais... Disons simplement que j'espère qu'elle est aussi heureuse qu'elle le prétend... fit Emma.

- De façon générale, ou bien as-tu quelque chose de particulier en tête ?

- Je pense à son couple avec Julia. Je croyais qu'elles vivaient une véritable idylle, mais après la soirée d'hier, je m'interroge... Après, je ne suis pas une experte, et je projette peut-être des choses... »